Souveraineté et Co-création
- Kateryna Derkach
- 18 mars 2024
- 7 min de lecture
Les deux sont de très gros mots.
Personnellement, cela me donne des frissons à chaque fois que je les entends.
J’ai longtemps porté en moi les graines de ces deux concepts, depuis toujours en fait. Et comme nous tous, à vrai dire. Mais je n’osais pas les prononcer à voix haute pendant très longtemps. Je ne me sentais pas digne de ces fréquences. Je me considérais comme n'étant pas assez, pas prêt, et pas assez mature pour jouer à ce genre de jeu. Le jeu de la co-création de notre réalité partagée, mais exclusivement à partir de notre souveraineté intérieure.
Après plusieurs années, il est devenu évident pour moi que la peur est en-dessous de toute cette hésitation et cette complexité émotionnelle à nommer des choses telles qu'elles le sont. À agir en fonction de ce qui est juste et cohérent autant pour nous que pour notre communauté. À nommer notre vérité à la maison, au bureau, et même avec notre réseau élargi. La peur est un obstacle à notre authenticité. La peur nous ferme la porte à la souveraineté et à la co-création aussi.
Ou bien, elle nous ouvre cette fameuse porte?
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La peur de quoi? Eh bien, de tout et de rien. C’est très multidimensionnel comme concept. C’est une sorte de peur qui transcende notre expérience humaine et potentiellement même notre histoire. Cette peur habite dans notre corps physique et elle est aussi en résidence permanente dans notre conscience collective. Elle n’a pas de frontières, de lois ou de logique, ni de couleur ou de texture unique. Elle habite partout et en chacun d’entre nous.
C’est une peur collective. C’est aussi pour ça que l’antidote doit l’être aussi.
On dit souvent que l’amour guérit la peur. Personnellement, je n’y crois pas dans cette simplification. L’amour a toujours existé. On n’en a pas moins qu’avant et pourtant la peur ne suit pas toujours la même logique. Tout comme l’amour, la peur semble ne pas avoir de fin. Les deux sont des concepts qui ne peuvent pas être simplifiés et réduits au simple : "tout est amour" ou bien "tu as juste peur". Ça ne veut absolument rien dire des phrases valises comme ça. Ça ne nous avance nulle part. Et ça ne parle que de notre inconscience et de notre incapacité à voir la complexité de notre réalité, et non de notre transcendance spirituelle, comme certains semblent le croire.
Une personne qui n’est que de l’amour et ne ressent plus la peur est probablement complètement déconnectée de la partie de notre monde et de notre humanité qui a encore peur. Et c’est encore une très grande partie de notre matrice collective aujourd’hui. Ne pas avoir peur n’est pas une évolution, ça s’appelle plutôt le déni et la dissociation de la réalité. C’est être inconscient et fermé à l’énergie brute. Celle qui crée. Celle qui alimente la transformation et le changement.
Si notre système nerveux ne perçoit pas les qualités incroyables de la fréquence de la peur dans le mycélium de notre conscience collective et ne les considère pas comme quelque chose de valide et de réel ; on est dans le jugement et dans la séparation de l’ensemble. On est dans la peur de ressentir l’autre et d’être dans le monde réel. On pense qu’on est juste trop "woke" et au-dessus de tout ça, mais en réalité on a encore plus peur que ceux et celles qui sont authentiques et transparents sur les peurs qu’ils perçoivent et expérimentent dans leur système nerveux et dans notre tissu collectif.
On ne peut pas être souverain si on n’a pas le courage de ressentir la peur. Non pas la détruire ou la transformer, de la fuir et simplement nier sa présence. Mais bien de respirer avec. De lui donner de l’espace, d’aller prendre une marche dans la nature avec elle. De la prendre dans ses bras, de lui poser des questions ouvertes. De lui donner de l’amour inconditionnel et de l’écoute. De lui offrir le temps et la patience pour être vécue, expérimentée et convenablement intégrée, sa sagesse, dans notre système et notre conscience.
On doit écouter la peur avec les mêmes oreilles et le même cœur que l’amour.
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Pourquoi la souveraineté est-elle importante ?
Parce que la cohérence systémique est impossible sans cela. Être souverain veut dire avoir l’autorité sur l’ensemble de notre pouvoir personnel. La quantité et la qualité énergétique qui est perçue par notre système nerveux ne peuvent être traitées que par nous. Les décisions que nous prenons sont responsables de la façon dont nous dirigeons cette énergie et de ce que nous créons avec. Et nous avons besoin de notre pouvoir intérieur en totale liberté pour incarner cette fréquence dans la forme et dans le monde.
Par exemple. Imaginons, vous êtes dans une réunion d’équipe et votre patron propose une stratégie qui vous savez très bien ne fait aucun sens. Vous ressentez un gros NON dans toutes vos cellules, mais vous semblez être le seul dans cette situation pendant la réunion. Les autres sont en train d’applaudir et croire que c’est la meilleure idée du siècle, mais vous savez très bien à l’intérieur de vous que c’est un désastre. Que feriez-vous si c’était vous ?
La vérité est que rares sont ceux qui parleraient à voix haute dans cette situation. Encore plus rares sont ceux qui oseraient la vulnérabilité de dire : "Je ne sens pas cette stratégie et ça n’a pas de sens pour moi, même si je ne peux pas encore l’expliquer convenablement", malgré la peur d’être humilié, congédié, rejeté et jugé par la tribu. Et pourtant.
Si jamais vous avez déjà été dans cette situation et peu importe si vous aviez parlé ou resté en silence pendant ce moment intime où votre cœur tout simplement sait que c’est NON. Vous savez très bien que vous aviez raison ! Vous savez que votre vérité intérieure avait de la valeur et qu’elle était juste. Même si les autres ne semblent pas voir et ressentir la même chose que vous.
Mais vous n’aviez pas le droit à votre souveraineté d’opinion et de ressenti dans cette situation. Vous ne vous êtes pas accordé ce droit de liberté de parole. Vous n’étiez pas en pouvoir et en position de nommer votre vérité sans être puni d’une manière quelconque (même si ce n’est que dans votre tête).
Dans le cas où vous ne parlez pas de ce qui est juste et cohérent pour vous, vous agissez contre vous-même. Vous niez votre propre pouvoir intérieur. Vous dites non à la voix de votre propre cœur. À la longue, c’est dommageable, pour vous, pour votre patron, et même pour votre équipe et votre communauté. La peur qui nous mène au silence de ce qui est juste et vrai pour nous est le plus grand frein à la co-création.
Une équipe où chacun n’est pas libre de nommer sa vérité exactement telle qu'elle est pour de vrai ne peut pas co-créer. La parole et le verbe sont à l’origine de la création.
Si on se censure parce qu’on a peur, notre verbe sera rempli de peur aussi. Quand notre parole est basée sur notre peur et non pas sur notre vérité intérieure, on crée une réalité fragmentée, incohérente et remplie de la même peur en même temps.
Le système que nous avons co-créé a émergé directement de tous les non-dits, de tous les silences de nos cœurs, de nos censures et de nos peurs. Nous sommes tous responsables de ce que nous vivons collectivement en ce moment. Nous sommes aussi tous en mesure et en pouvoir de changer cela. De reprendre notre pouvoir, de nommer notre vérité, de nous ouvrir le cœur aux peurs de l’autre. D’apprendre à aimer et à honorer nos propres peurs sachant qu’elles sont toutes des semences d’une vérité qui un jour ou l’autre fleurira et même donnera des fruits.
Nous devrions peut-être juste nous assurer que les fruits que nous produisons ne sont pas trop amers (ou inconscients) à notre goût.
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La Forêt et la Nature sont des inspirations clés pour moi pour contempler le sens profond de la souveraineté et de la co-création.
Ce que la forêt génère en termes de diversité, de cohérence et d’abondance est honnêtement hallucinant. Le niveau de créativité et d’ingénierie systémique derrière cette technologie de base que l’on appelle la Nature ne peut simplement pas être reproduit artificiellement. C’est le mystère de l’efficacité ultime, de la résilience et de l’évolution.
On peut co-créer avec la Nature, mais on ne peut pas la créer nous-mêmes. On ne peut pas être aussi arrogants que de croire qu’on est assez intelligents pour devenir le "boss" de la forêt.
Personne n’est le boss de personne dans la forêt, c’est pour ça que ça marche aussi bien. Non, ce n’est pas une anarchie non plus. C’est un réseau interconnecté et complexe qui possède une sagesse collective qui unit tous les habitats de la forêt. J’ai bien dit la sagesse et non pas l’intelligence. Les arbres ne sont peut-être pas "intelligents", en revanche au niveau de la sagesse incarnée dans le monde physique, ça dépasse clairement nos bibliothèques et même notre internet.
La nature est un programme de conscience collective qui est le plus efficace et le plus créatif que nous connaissions. Et les éléments clés de sa réussite sont la souveraineté et la co-création.
Chaque élément et chaque être dans la nature maîtrise et a le droit inconditionnel d'exprimer ces deux concepts. Chaque plante et chaque animal est souverain et aussi libre de co-créer pas mal n’importe quoi et avec n'importe qui.
Ca ne marche pas toujours bien, mais ils sont toujours libres de le faire.
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Est-ce que la Nature est du pur chaos ?
Ou bien la Nature c’est l’ordre le plus parfait qu’il ne puisse l’être ? Est-ce que la Nature craint de s’exprimer ? Est-ce que les animaux demandent la permission aux arbres pour se parler ? Est-ce que les champignons donnent leur pouvoir intérieur aux plantes pour pouvoir survivre et manger ?
Qu'est-ce qui fait pousser les plantes contre les lois physiques ? Quand on y pense, chaque arbre a affronté la loi de la gravité elle-même pour pouvoir grandir.
Si la Vie écoutait ce qui est possible ou non basé sur nos croyances limitantes et la peur, on ne créerait jamais rien de nouveau. On ne saurait pas que l’impossible est possible. Les arbres ne sauraient pas que le monde est beaucoup plus large et mystérieux que ce qu’il l’était dans la tête de monsieur Newton.
Sans la Nature, on ne comprendrait pas que l’intelligence n’est pas la même chose que la sagesse. Est-ce que la Nature a peur de l’amour ou bien elle est en amour avec la peur ?
La cohérence systémique, la complexité si existante et la résilience ne seraient pas possibles si les êtres de la forêt n’étaient pas libres de co-créer avec leurs peurs tout en préservant leur souveraineté complète pendant ce processus.
Non, ils ne sont pas égoïstes. Ils sont juste sincères et authentiques avec ce qu’ils sont et ce qu’ils ne sont pas. Ce qu’ils peuvent et veulent ou pas. Ils sont vrais. Parce qu’ils savent que c’est la meilleure manière de contribuer à l’ensemble, à la vie et au plus grand qu’eux de façon cohérente et consciente.
Ils savent qu’ils ne font pas partie de la forêt, ils sont la Forêt et la Nature eux-mêmes.
Ils sont tous souverains et libres dans cette co-création collective.
Et c’est pour ça que ça marche aussi bien et toujours.


