LES DYMANIQUES COLORÉES
- Kateryna Derkach
- 19 juin
- 18 min de lecture
1. Reconnais ta beauté innée
Montréal est une ville splendide et si belle
Les jardins des arcs-en-ciel qui dansent
La diversité vivante et super innovante
En transformation perpétuelle et partout
Tu peux presque toucher le monde entier
Sans jamais traverser les limites de cette île
Il y a la petite Italie, l'Algérie, la France et autres
Il y a les "petits" pays de presque tout le globe ici
Tu peux manger les cuisines, écouter la musique
Tu peux être invité aux célébrations familiales
Tu peux goûter aux cultures très diversifiées
Avec une certaine authenticité tout de même
Dans les rues du Plateau et à la plage de Verdun
Les grand-mères parlent en langues déjà oubliées
Leurs petits-enfants leur répondent avec des emojis
Créant des ponts linguistiques intuitifs, déconnectés
Aux terrasses de la rue Sainte-Catherine et Masson
Les conversations tissent des histoires impossibles
L'ingénieure afghane partage sa table et sa vie intime
Avec le musicien communiste et un oligarque militaire
C'est de la magie que de connaître une ville
Qui peut se réinventer à chaque respire du peuple
Il y a des villes qui restent toujours les mêmes
Et il y a celles qui changent continuellement de ton
Mais cette beauté, cette ouverture, cette grâce
Ne vient pas sans ses complexités bizarroïdes
Car sous chaque sourire multiculturel et coloré
Se cachent des histoires de déracinement cruel
Derrière chaque célébration traditionnelle
Il y a des cœurs qui pleurent leur terre natale
Des familles qui reconstruisent leur identité
Sur un sol qui n'a pas toujours été accueillant
La métropole où tu peux savourer, goûter et vivre
N'importe quel langage, n'importe quelle danse
Le paradis des créatifs marginalisés et des hippies
Du café fort à la citrouille épicée au sirop d'érable
Ce ne sont pas des Américains ou des Canadiens
Ils ne sont pas non plus les Québécois de souche
Ça fait longtemps qu'ils ne sont plus Européens
C'est un lieu à la texture très unique, trop étrange
Nous sommes tous des transplantés voyageurs
Même ceux qui se croient d'origine quelconque
Nous portons tous en nous les mêmes blessures
De ceux qui sont venus ici, avant ou après nous
Et moi, l'immigrante de la première génération
Qui observe et qui aime cette ville magnifique
Qui m'a adoptée et transformée mon essence
Je sens que sous sa carapace, il y a le mystère
Car pour vraiment connaître cette terre sacrée
Pour vraiment comprendre son cœur innocent
Il faut accepter de plonger dans le profond noir
Dans les eaux troublantes de son récit fascinant
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2. Dis bonjour à tes ancêtres
Alors plongeons ensemble dans la mémoire
Pour saluer les âmes qui nous ont précédés
Car leur sang coule encore dans nos veines
Leur mémoire danse encore dans nos choix
Avec son Mont stable, solide en plein milieu
Le Royal qu'on le surnomme... rien de moins
Avec son beau Fleuve qui connecte l'océan
À tous les ruisseaux, rivières, lacs et bassins
Mais avant que les noms européens arrivent
Avant les saints et les rois et les colonisateurs
Il y avait Tiohtià:ke, le lieu des rapides sauvages
Où les Kanien'kehá:ka tissaient leurs histoires
Pendant des millénaires, ils ont marché cette terre
Ils ont navigué ces eaux avec respect inébranlable
Ils ont su comment vivre en harmonie performante
Avec les saisons, les animaux, les femmes, la vie...
Puis sont venus les explorateurs et les missionnaires
Avec leurs croix au dos, leurs canons, leurs maladies
Ils ont rebaptisé chaque lieu de notre nature si vivante
Avec des noms de saints et des politiciens européens
Notre fleuve porte le nom d'un saint quelconque
Peut-être pour mieux bénir ses eaux tant polluées
Mais non, toi l'immigrante ignorante et arrogante
Ce martyr était aussi appelé Laurent de Rome
Il était le représentant de la résistance joyeuse
De l'opposition un peu méconnue, voire étrange
C'est parfait pour une révolution qui est pacifique
Celle qui est stimulée par l'amour et non la peur
C'était un homme qui était un drame humoristique
Qui aidait les pauvres, les malades et les orphelins
C'est clair qu'il n'était pas tant aimé par nos Églises
C'était un homme très courageux et super ironique
On l'a puni pour ça en le brûlant vif sur un gril de fer
Apparemment, selon cette tradition qui nous raconte
Il aurait demandé à ses persécuteurs avec le sourire :
"Retournez-moi, je suis bien cuit de ce côté déjà !"
Même dans la torture dure, il gardait son humour
Même face à la mort, il défiait le pouvoir égotique
Quelle étrange façon de nommer un beau fleuve
Du nom d'un homme qui riait de ses bourreaux
C'est tout un symbole d'un sacrifice glorieux
Avec lequel on nomme nos eaux dansantes
Qui courent autour de nos monts, de nos villes
Et après on se demande d'où vient notre colère
Le fleuve qui baigne le sol que tes pieds touchent
Porte le prénom d'un martyr du sadomasochisme
Une croyance par excellence de la relation intime
Entre la religion, la violence, l'injustice et la folie
Nos ancêtres français ont fui la pauvreté, l'abus
L'oppression des nobles, la faim, les guerres
Ils ont traversé l'océan pour recommencer
Sur une terre qu'ils croyaient vierge et libre
Nos ancêtres anglais ont conquis par la force
Ont imposé leur langue, leurs lois, leur ordre
Ont traité les Français comme des moindres
Dans leur pays libre devenu colonie du frère
Et nous, leurs descendants confus et mélangés
Nous portons leurs traumas, leurs peurs, leurs rages
Nous rejouons leurs conflits sans le comprendre
Dans nos débats, nos politiques, nos cœurs brimés
Chacun de nous porte plusieurs lignées lointaines
Qui se battent encore dans notre jolie conscience
Le colonisé et le colonisateur, le soldat et le prêtre
La victime et le bourreau, l'opprimé et l'oppresseur
Comment faire la paix avec tous ces fantômes
Qui hantent nos rêves et dictent nos choix actuels ?
Comment honorer leur souffrance sans la répéter ?
Comment transformer leur héritage en sagesse ?
Car si nous ne guérissons pas leurs blessures
Si nous ne brisons pas leurs cycles de violence
Nous les transmettrons à nos propres enfants
Qui porteront le poids de nos non-dits et peines
Alors regardons bien nos contradictions drôles
Nos hypocrisies, nos aveuglements volontaires
Car elles sont l'écho direct de leurs dures conflits
De leurs traumas non pardonnés, non transformés
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3. Plonge dans le fond du trou
Et voilà, comme prédit par nos ancêtres non guéris
Nous rejouons leurs schémas sans même le savoir
Leurs blessures nues deviennent nos angles morts
Leurs peurs deviennent notre façon d'aimer l'autre
Regardez bien cette belle ville hyper progressiste
Comment elle perpétue ce qu'elle croit combattre
Comment nos bonnes intentions pavées d'or fictif
Mènent aux mêmes enfers que nos précurseurs
Les technocrates et les investisseurs verts
La mafia et des criminels de la grande élite
Adorent cette ville si magnifique et innovante
Même si personne ne semble les reconnaître
C'est comme la vallée du silicium nordique
C'est comme le proxy intelligent du Vatican
C'est aussi la mégapole de la pornographie légale
C'est la gentrification déguisée en progrès logique
On reproduit l'exploitation coloniale des masses
Mais avec des mots plus jolis, plus verts et polis
On vend l'illusion de l'équité sociale aux enchères
Tout en protégeant bien ce qu'on a réussi à voler
C'est la capitale des cônes orange partout
Les mêmes routes qui ont besoin d'amour
À chaque printemps et à chaque automne
La construction, ça fait rouler l'économie !
La ville des activistes socio-écologiques engagés
Qui passent plus de temps dans le trafic qu'au lit
Pas de temps pour contribuer à la communauté
Ou pour prendre soin de leurs espaces partagés
Nous sommes si occupés à sauver le monde
Que nous oublions de préserver nos voisins
Si occupés à être politiquement corrects
Que nous perdons notre humanité simple
Eux, ils cocréent les applications virtuelles
Pour faire pousser les bananes et les cerises
Dans leurs condos en béton armé au 20e étage
En collant une certification "biologique" déçue
Eux, ils emballent dans du vrai compostable
Le plastique innovant génétiquement modifié
Dans un laboratoire très scientifique en Chine
Qui a déjà voyagé par bateau et avion et camion
Eux, ils exploitent leurs colonies et leurs esclaves
De façon équitable, durable, morale et très éthique
Ils s'assurent que les pauvres Mexicains ou autres
Puissent être récompensés de façon super juste
Nous avons appris à nettoyer notre conscience
Avec des mots magiques et des certifications bio
Nous avons perfectionné l'art de l'autotromperie
Pour dormir tranquilles sur nos oreillers de plumes
On prend de belles images des jeunes arbres
Que les Nations Unies et l'UNICEF ont plantés
Dans les forêts centenaires qu'on a brûlées
Pour faire plus de coton et de canne à sucre
On envoie de l'aide humanitaire et nos richesses d'ici
Pour soulager les guerres qu'on fabrique nous-même
Pour sauver les pauvres naïfs qui se défendent là-bas
De nos bombes qu'on leur vend pour obtenir leur terre
Nous recréons l'impérialisme avec un beau sourire
Nous colonisons mieux avec des programmes d'aide
Nous dominons la nature avec de la philanthropie
Nous exploitons la vie avec de la bienveillance
On est des gentils et des citoyens pacifiques
On a appris la langue du politiquement correct
On a réussi à se mentir ensemble à un tel point
Qu'on pense vraiment qu'on fait la bonne affaire
On "adopte" les enfants de l'Afrique par la poste
On leur envoie un peu de notre argent par mois
Et eux, ils nous donnent une photo de leur misère
Pour qu'on puisse la mettre sur notre frigo si plein
Cette charité à distance nous rassure tellement
Elle nous donne l'illusion de patronner le réel bien
Tout en gardant nos mains propres et très blanches
Loin de la vraie saleté de l'injustice qu'elles créent
Les enfants de colons écrivent des récits touchants
Dans leurs classes de la psycho-sociologie créative
En glorifiant qu'ils ont un "quasi-frère" très pauvre
Que leurs parents ont parrainé avec leurs impôts
Tout le monde applaudit et fait couler une pure larme
Oh quelle bonté, quelle bienfaisance extraordinaire !
C'est correct d'être très riche et même de s'en foutre
Quand tu peux acheter leurs souffrances à distance
Mais attendez, écoutez cette douce voix qui tremble
Cette petite main qui se lève haut dans les ombres
Car la vérité va sortir de la bouche de nos enfants
Ceux qui voient clair à travers nos rôles et masques
Imagine s'il y a un enfant autochtone qui a été forcé
D'aller dans la même école d'élite que ta progéniture
Lui aussi il a écouté très attentivement et sagement
Comment tes enfants sont très fiers de ta culpabilité
Comment toute la classe applaudit et te dit les mercis
À la grande gentillesse sans fond de tes parents riches
De contribuer avec leurs sales salaires et leurs crédits
Pour que d'autres enfants étrangers puissent manger
Et cet enfant natif qui t'écoutes ne peut pas se retenir
Son cœur énorme se gonfle de rage très confusante
Il lève la main pour poser une question à ton enfant :
Pourquoi sa communauté à lui n'a pas assez à elle ?
Pourquoi ses ancêtres qui ont marché ce sol
Depuis des millénaires déjà et avant vous tous
Pourquoi eux, ils sont devant le métro et drogués
Et tout le monde s'en fiche qu'ils souffrent autant ?
Pourquoi tu regardes d'en haut mes aïeux, les juges ?
Pourquoi tu les ignores comme s'ils ne sont pas là ?
Pourquoi tu ne parraines pas mieux ton enfant à toi
Pour qu'il réalise que tous méritent le même respect ?
Pourquoi il n'y a pas de programmes "humanitaires"
Pour laisser mes ancêtres locaux la chance de guérir ?
Pourquoi ma communauté a des cigarettes pas chers
Mais l'eau propre est considérée comme un vrai luxe ?
Pourquoi tu me parles là de ta cruelle bienfaisance
Dans les pays lointains que je ne verrai jamais en vrai ?
Je n'aurai pas le privilège d'être un ambassadeur riche
Qui peut gonfler son ego en pensant sauver l'humanité
Et comment veux-tu que je te fasse confiance ?
Comment veux-tu que je te prenne au sérieux ?
Ta pitié économique et ton altruisme performant
Ailleurs, loin, alors que ma tribu souffre chez elle
Tu as la photo de l'enfant noir affamé qui sourit
Que tu vois à chaque fois que tu ouvres le frigo
Mais on dirait que tu es aveugle, sourd et muet
Tu ne me vois pas, alors que je peux te toucher
Je suis assis ici à côté de toi dans cet amphithéâtre
Tu me rejettes, tu m'humilies devant mes camarades
Le fait que je n'ai rien à bouffer te faisait rire à la pause
Mais là, tu veux que je sois reconnaissant de ta pitié
Tu veux que je continue à prétendre et répandre
Ton hypocrisie si douloureuse et tant souffrante
Tu veux que je flatte ton ego confus doucement
Avec amour et considération pour tes blessures
Veux-tu que j'envoie à tes parents une carte postale
Pour leur dire comment ils m'ont inspiré l'intelligence
Pendant que tu nous abuses, croyant être un saint
Sur cette terre qui pleure encore le sang des miens
Et maintenant nous voilà, face à cette vérité partielle
Celle qu'on ne voulait pas voir, pas oser de ressentir
On devient exactement comme ceux qu'on critique :
Des colons, mais avec un discours plus sophistiqué
Mais cette douleur, cette honte qui nous blâme
Cette rage de l'enfant qui nous transperce l'âme
C'est exactement ce dont nous avons besoin là
Pour commencer enfin à nous réveiller au futur
Car seule la vérité nue nous libérera vraiment
Même si elle fait mal, même si elle dérange
Il faut traverser ce feu de la reconnaissance
Pour pouvoir renaître de nos propres cendres
---
4. Découvre tes atouts cachés
Attendez, arrêtons-nous un bref instant de calme
Respirons ensemble dans nos profondeurs sages
Levons la tête du fond du trou du chapitre sombre
Pour voir ce qui résonne déjà autour et avec nous
Ô mon cher Montréal, la terre des vrais miracles
Le Mont très "real" et bien ancré dans la réalité
La population diversifiée en polyamour national
Tu n'arrêtes pas de me surprendre, voir au-delà...
Toutes tes contradictions, toutes tes peines
Ce sont de l'or pour la créativité et le pouvoir
Ta diversité unique est ton atout primordial
Pour faire émerger une révolution consciente
Car regarde bien ce que tu as déjà accompli
Aucune autre ville au monde ne ressemble à toi
Tu es un laboratoire vivant de coexistence naturelle
Un prototype fonctionnel de l'humanité réconciliée
Tes festivals célèbrent toutes les nations
Tes rues parlent en cent langues différentes
Tes enfants grandissent polyglottes, multicœurs
Tes amours transcendent les frontières ancestrales
C'est ton opportunité stratégique unique à toi
C'est ton avantage concurrentiel très intéressant
C'est ton innovation sociale, durable et radicale
C'est ton laboratoire de transition supraconsciente
Tu as déjà tous les ingrédients et talents qu'il te faut
Pour devenir le modèle de régénération systémique
Tu as les artistes du calibre mondial sur ta belle île
Qui transforment la douleur en activisme cohérent
Tu as des scientifiques qui changent le monde entier
Les pères de l'IA et les mères de la science quantique
Qui comprennent que la conscience et la technologie
Peuvent servir l'amour et non la destruction de l'autre
Tu as des entrepreneurs qui réinventent l'économie
Pour qu'elle serve la vie et non le profit aveugle
Tu as des militants qui transforment la colère
En actions concrètes pour la justice qui fait du sens
Tu as des guérisseurs de toutes les traditions
Qui mélangent les médecines et les sagesses
Pour soigner les traumas individuels et collectifs
Avec la douceur de l'approche holistique et logique
Mais surtout, tu as le peuple qui marche ta terre
Ces êtres multicolores dotés de cœurs énormes
Il y a des familles qui savent déjà aimer et honorer
Ce qui ne fait pas partie de leur clan ancestral à eux
Dans tes cafés, tes parcs, tes escaliers spiralées
Les échanges impossibles deviennent normales
L'ancien ennemi devient le nouveau beau-frère
Les vieilles haines se transforment en lien d'âme
Il y a des mélanges ethniques très exotiques ici
Tu peux avoir le sang et la face intercontinentaux
Avec les croyances et des idéologies opposées
Ton père peut être rouge et ta mère bleue ou inverse
Et dans ces familles arc-en-ciel se cache le secret
De la réconciliation que le monde entier cherche
Car quand tu aimes quelqu'un de "l'autre côté"
Tu ne peux plus déshumaniser ses croyances
Dans ta famille, vous avez peut-être trouvé la recette
Comment faire la paix véritable et de se réconcilier
Imagine ton père est russe et ta mère est ukrainienne
Ils s'aiment à mort et ils ne veulent pas faire la guerre
Et si, ton frère est juif et ta sœur est musulmane
Ils partagent le même toit, la même communauté
Tes amis sont chrétiens, hindous, athées ou yogis
Et ensemble vous créez une nouvelle spiritualité
Eux, ils ont compris comment pardonner le passé
Comment utiliser l'amour comme une technologie
Pour régénérer la conscience de nos collectivités
Pour cocréer la paix dans la véritable liberté d'être
Alors imagine, si cette île d'innovation enracinée
Pouvait exporter sa sagesse innée vers le monde
Si tes enfants mixtes devenaient ambassadeurs
De cette nouvelle façon d'être humain ensemble
Imagine si tes artistes, tes penseurs, tes créateurs
Montraient au monde entier comment transformer
Les blessures en œuvres d'art révolutionnaires
Les traumas en innovations locales libératrices
Tu es déjà en train de faire cette révolution silencieuse
Doucement, discrètement, dans la simplicité créative
Tu prouves que l'utopie recherchée peut devenir réalité
Quand l'amour devient notre seul ordre et loi politique
C'est pour ça que les yeux du monde s'excitent de joie
Pas seulement pour ta sagesse sarcastique de victime
Mais pour ta crue sensibilité émotionnelle et collective
Qui nous montre comment aimer au-delà de nos peurs
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5. Rêve d'une vision commune
Comment veux-tu qu'un enfant mixte et refugié soit
Dans la bonne santé et la stabilité émotionnelle
Quand il ressent dans la profondeur de son âme
Les ancêtres de ses propres parents s'entretuer ?
Comment veux-tu qu'il ne soit pas confus ?
Comment veux-tu qu'il ne souffre pas autant ?
Comment veux-tu qu'il ne tombe pas malade
Si la guerre se passe dans sa propre biologie ?
Cet enfant ne peut pas avoir une opinion précise
Il n'est ni pro-occidental ni pro-oriental ni autres
Pour lui, c'est comme de demander à un inconnu
Lequel des bras il préfère garder, gauche ou droit
Je prends l'exemple des contextes que je connais
Mais c'est la même formule pour tous les "mixtes"
Notre chère ville a des enfants très internationaux
Qui vivent la guerre dans leur âme à tous les jours
C'est possible que ces enfants aillent mal
Que leurs professeurs ne comprennent pas
Ni leur vraie condition ni leur réelle souffrance
Ça se peut qu'on leur donne des antidépresseurs
Pour qu'ils soient un peu plus calmes et gentils
Pour qu'ils pleurent un peu moins, soient forts
Pour qu'ils cachent leur rage si innocente et naïve
Pour qu'ils arrêtent de se plaindre et ils étudient
Ça se peut que ces enfants aient très peur
Ils attendent des bombes dans leurs sommeil
Ils sont fatigués et tristes de vivre comme ça
Quand leurs petits corps ressentent l'insécurité
Ils ont besoin que les guerres partout s'arrêtent
Ce ne sont pas des drogues qui vont les sauver
Aider à guérir leurs cœurs sensibles et si fragiles
Qui ressentent dans leur nerfs chaque explosion
Mais attendez, regardez plus attentivement
Ces enfants brisés, fracturés, en morceaux
Ils portent en eux la solution à nos crises déjà
Leur souffrance est la clé de notre régénération
Car celui qui a mal pareil des deux côtés à la fois
Celui qui ne peut pas choisir un camp, une guerre
Il devient naturellement un ambassadeur de paix
Un pont vivant entre les mondes qui se déchirent
Ces enfants mixtes sont nos véritables médecines
Ils nous montrent qu'on peut aimer sans choisir
Qu'on peut honorer nos ancêtres sans répéter
Leurs erreurs, leurs haines, leurs peurs et hontes
Nos propres ancêtres nous utilisent, oui, c'est vrai
Comme des véhicules de vengeance contagieuse
Mais nous avons le pouvoir de les transformer
De leur dire : "Votre guerre s'arrête ici avec moi"
On va au travail pour faire de belles bombes
Pour pouvoir mieux éduquer nos enfants perdus
Mais on peut aussi choisir un autre chemin :
Faire des beaux jardins, des chansons d'amour
Écoute-moi bien, toi qui te encore sens confus
Dans la forêt hilarante de notre folie collective
Toi qui portes la honte de tes privilèges cachés
Toi qui ne sais plus comment bien faire et vivre
Je veux donner de la compassion à l'égoïste naïf
Je veux accueillir avec soin l'hypocrite traumatisé
Je veux dire à l'arrogance : "Je t'entends, je te vois"
Je veux rendre le narcissiste heureux et bien-aimé
Car derrière chaque frustration, il y a un cœur brisé
Derrière chaque violence, un appel à l'amour pur
Derrière chaque guerre, des âmes qui pleurent
D'avoir perdu leur propre humanité identitaire
Même ta culpabilité blanche, je la comprends si bien
Même ton mépris qui a très honte, je vois d'où il vient
Même tes privilèges tachés de sang, je ne les juge pas
Car moi aussi j'ai été aveugle, sourde et si rancunière
Nous sommes tous des enfants perdus et confus
Qui cherchent la maison, qui cherchent l'amour
Qui ont peur d'être rejetés, abandonnés, oubliés
Qui se battent pour une place au soleil commun
Et cette peur, cette souffrance universelle
C'est notre ressource la plus précieuse
Car elle nous apprend l'empathie vraie
La compassion qui éclaire et qui unit
Tu as le pouvoir de détruire notre monde
Tu as aussi le choix de créer autrement
À chaque instant, à chaque respiration
Tu choisis l'amour ou tu choisis la peur
Il n'y a rien à craindre, à perdre, vraiment rien à gagner
Même la guerre est une preuve d'amour si mystérieux
D'un amour blessé, déformé, mais amour quand même
Qui cherche à protéger et préserver ce qui lui est cher
Même la douleur en sanglots est un cadeau précieux
Elle nous montre où nous avons besoin d'aimer mieux
Elle nous ouvre le cœur à plus grand que notre confort
Elle nous apprend à transformer la peine en bonheur
Car la paix, ce n'est pas l'absence de conflit apparent
C'est la capacité de danser avec nos contradictions
D'embrasser nos ombres pures et nos lumières noires
D'aimer et célébrer ce qui en nous fait si mal encore
Pour nos enfants qui verront le monde en paix
Pour cette vision qui nous fait vibrer ensemble
Je suis prête à pardonner l'abus impardonnable
Même si mon cœur est en million de fragments
Car chaque fractale devient une étoile filante
Qui illumine le chemin vers nos futurs désirés
Et de nos cœurs brisés naît la beauté vraie
L'amour inconditionnel qui cocrée notre paix
Alors, toi qui lis ces mots avec tes larmes brûlantes
Toi qui reconnais ta propre souffrance non-chérie
Souviens-toi que tu es un créateur de mondes déjà
Et que ton amour peut transformer n'importe quoi
Choisis aujourd'hui de devenir un réseau vivant
Entre ce qui divise et ce qui nous unit ensemble
Choisis de jardiner de la compassion qui danse
Dans le vide fertile de nos blessures chantantes
---
6. Cocrée ton quartier vivant
Maintenant redescendons de cette profondeur
Avec cette vision légère bien ancrée dans le cœur
Ramenons cette sagesse transcendante sur terre
Dans nos rues, nos ruelles, nos jardins de villes
Car toute cette beauté, tout cet amour universel
Ne sert à rien s'il reste dans les nuages éthérés
Il faut que cette paix devienne concrète, tangible
Dans les gestes simples de notre quotidien rêvé
L'art est notre technologie de transformation locale
Plus puissante que toutes nos applications digitales
Une murale qui fleurit sur un mur de béton gris et sale
Peut guérir l'âme d'un quartier entier en une seule nuit
Regarde ce qui se passe déjà dans tes environs
Les artistes de Mile End qui transforment les balcons
En jardins suspendus, en chefs-d'œuvre participatives
Où les voisins se parlent, créent, rêvent, et renaissent
Dans Hochelaga, les grands-mères sages enseignent
Leurs recettes ancestrales aux voyageurs très curieux
Autour d'un four à pain communautaire, elles tissent
De nouveaux liens sacrés qui réunissent les polarités
L'art peut corrompre, manipuler, nous endormir
Nous faire acheter des rêves qui nous détruisent
Mais il peut aussi réveiller notre cœur qui désire
Nous reconnecter à ce qui nous nourrit vraiment
Dans l'Outremont, un violoniste syrien et si beau
Joue avec ses tripes sur la terrasse à chaque soir
Les fenêtres s'ouvrent, les gens sortent et dansent
La musique devient la magie pour nos cohabitants
Car l'art véritable ne divise jamais, il nous unit
Il parle la langue universelle de l'émotion ultime
Il court-circuite nos peurs, nos préjugés mentaux
Pour nous ramener à notre humanité commune
Tu veux transformer ton coin de Montréal ?
Commence par créer quelque chose de joli
Plante des tournesols dans le terrain vague
Organise une soirée de contes multilingues
Peins une fresque avec les enfants du bloc
Qui raconte leurs rêves en couleurs vibrantes
Monte un spectacle drôle dans la cour d'école
Où chaque culture partage ses chants sacrés
L'art communautaire reprogramme nos cerveaux
Il crée de nouveaux circuits de confiance, de plaisir
Quand on crée ensemble, on oublie nos différences
On découvre qu'on cherche tous les mêmes choses
Notre jardin partagé devient laboratoire de paix
Où le réfugié du sud et la retraitée du nord-est
Apprennent ensemble comment faire pousser
Des tomates et de la compréhension mutuelle
Les festivals de quartier ne sont pas que du fun
Ils sont des rituels de reconnaissance collective
Ils nous rappellent qu'on appartient ensemble
À notre terre, à cette communauté vivante
Chaque concert improvisé dans la nature
Chaque atelier de poterie dans un sous-sol
Chaque cercle de tambours sur la montagne
Recrée le tissu social, fil par fil, point par point,
Car nos ancêtres savaient ce qu'on a oublié :
Que l'art n'est pas un luxe pour les élites gâtées
C'est le système immunitaire de la communauté
C'est ce qui nous garde en belle santé ensemble
Quand les gens créent, ils retrouvent leur pouvoir
Ils sortent de la position de victimisation passive
Ils deviennent architectes de leur propre réalité
Cocréateurs d'un monde plus beau, plus juste
Et toi, avec tes mains, ta voix, ton imagination
Tu peux ainsi commencer cette révolution divine
Pas besoin d'attendre la permission de personne
Ton quartier a besoin de ton génie super créatif
Organise un potluck inclusif où chacun apporte
Une histoire, une chanson, un plat de son pays
Transforme le parc vivant en galerie à ciel ouvert
Où les arbres deviennent cadres pour l'art local
Lance un projet de graffiti légal et thérapeutique
Où les jeunes expriment leurs rages et leurs rêves
Sur des murs autorisés, avec accompagnement
Pour transformer la colère en puissance créatrice
Crée des espaces de dialogue ouvert, interculturel
Autour du feu, sous les étoiles, en toute simplicité
Où on peut partager nos peurs nues et nos espoirs
Sans jugement, avec curiosité bienveillante, douce
Car quand les humains se rassemblent pour créer
Quelque chose de beau, de bon, de vrai ensemble
Ils retrouvent naturellement leur humanité diffuse
Leur capacité d'aimer au-delà des jugements durs
L'art véritable nous reconnecte à notre terre
À nos saisons, à nos cycles si lents et naturels
Il nous sort du mirage de la surconsommation
Pour nous ramener dans nos corps, nos sens
Inspire-toi de la nature qui t'entoure de près :
Le fleuve froid qui coule, patient et persistant
Les érables qui changent avec la pluie et le vent
La montagne qui nous observe, stable et sage
Ton quartier peut devenir une œuvre d'art
Où chaque résident est à la fois artiste et public
Où la beauté n'est plus une marchandise de luxe
Mais la respiration quotidienne de la communauté
Et quand ton système nerveux se calme ainsi
Dans la cocréation partagée, l'extase commun
Tu sens que tu es enfin arrivé chez toi, le vrai
Dans cette humanité réconciliée et puissante
Montréal, ma muse, mon laboratoire d'amour naïf
Tu nous enseignes que l'art n'est pas que du pur déni
C'est une médecine, une technologie de conscience
C'est la voie vers notre nature toujours plus magique
Alors va, crée, rassemble, plante, chante, danse
Fais de ton coin de ville un jardin de célébration
Car c'est ainsi, geste par geste, œuvre par œuvre
Que nous tissons le monde dont nous rêvons tant
Dans tes rues se côtoient les origines de nos futurs
Dans ton cœur bat la joie de nos rêves et nos désirs
Et dans chaque acte créatif de tes enfants, tes aïeux
Renaît la possibilité tangible d'une paix enfin possible


