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La Sagesse du Nonsense (Partie 2)

Même si ma dernière réflexion sur les actualités du moment était déjà assez longue, il semble que je n’ai pas encore tout dit pour exprimer vraiment le fond de ma pensée actuelle.



Quand les gens parlent des nouvelles ou des élections sur les réseaux, ce n’est jamais vraiment personnel ou ciblé. On se cache derrière beaucoup de filtres et on pense que les autres ne nous voient pas vraiment. On croit être transparent, avec peu de signification, comme si notre message n'était qu'une bouteille à la mer dans la jungle informationnelle du nonsense.



On pense que ce qu’on dit n’a pas vraiment d’importance ni d’impact réel. Donc, très souvent, on se permet de dire n’importe quoi et n’importe où, sans ressentir de responsabilité personnelle vis-à-vis de nos propos et des potentielles conséquences de ce qu’on partage avec les autres.



C’est beaucoup plus difficile de faire ça en personne, face à face.



Quand tu discutes avec une personne dans un échange direct, que tu le veuilles ou non, ça devient personnel et intime. Tu n’as pas d’autre choix que de ressentir ce que tu dis pour de vrai : tu vois l’impact direct de tes paroles et tu reçois instantanément une rétroaction claire de l’autre.



C’est d’ailleurs peut-être pour cela qu’on préfère tant se cacher derrière des écrans et éviter de dire ce qu’on pense vraiment aux personnes qui font partie de notre vie quotidienne. On a peur de voir leur vraie réaction émotionnelle ou mentale à ce qu’on croit, pense, et exprime.





La plupart des personnes avec qui j’ai eu la chance de discuter cœur à cœur au sujet des élections récentes ont presque tous ouvert la conversation d’une manière très intéressante, ciblée sur mon propre héritage personnel.



“Alors, maintenant tu ris moins, n’est-ce pas ? Avec l’autre au pouvoir, ça ne va pas trop bien aller pour l’Ukraine non plus. Tu en penses quoi de tout ça ? Ça fait peur, non ?”



Ceci, c’est votre projection et votre propre croyance sur l’état actuel des choses ici et là-bas. Ce que vous croyez que je devrais penser n’a probablement rien en commun avec ce que je pense réellement, encore moins avec la douleur profonde que je ressens dans mon cœur et dans mon âme depuis le début de la guerre dans mon pays d’origine.



Avec tout mon respect et ma compassion pour votre ignorance et votre arrogance, je me fiche complètement de ce que vous avez entendu aux nouvelles concernant mon pays. Je ne vois même pas pourquoi je devrais expliquer à quelqu’un que, peut-être, juste peut-être, j’en sais un peu plus sur ce que mon peuple, celui qui m’a élevée et m’a vu naître, est en train de vivre que les personnes qui n’y ont littéralement jamais mis les pieds.



Peut-être est-il possible que mon cœur ressente les profondeurs de mes propres origines et ancêtres bien plus que votre simple jugement. Juste peut-être.



Je ne pense pas que vous seriez d’accord avec tout ce que les médias internationaux publient à votre sujet et comment ils vous jugent, car ils ne vous connaissent pas vraiment. Vous diriez que, puisque vous habitez physiquement ici, vous savez mieux ce qui constitue votre propre réalité.



Mais alors, pourquoi croyez-vous avec autant d’arrogance que vos informations valent mieux que le vécu des Ukrainiens eux-mêmes pour comprendre comment ils se sentent en ce moment ?



Sérieusement.



Je suis fatiguée d’argumenter avec des personnes qui ne savent absolument pas de quoi elles parlent, mais qui se permettent de me dire qu’elles savent mieux que moi ce qui est bon ou mauvais pour mon peuple d’origine en ce moment. Naïvement, je ne comprends tout simplement pas comment ça fait du sens pour vous de penser ainsi.



Cela fait 20 ans que j’habite au Québec, et je ne me permets toujours pas de prétendre que je connais mieux que les Québécois ce que le Québec est et comment son peuple devrait se sentir en ce moment. Parce que c’est trop complexe, et parce que, même si j’ai décidé de bâtir ma vie ici, je ne pourrai jamais savoir ce qu’est la véritable souffrance du cœur québécois qui a cultivé, donné naissance, et vu vivre des générations entières sur cette terre.



Je ne suis personne pour vous juger, car je ne suis pas vous et je ne vis pas dans votre peau. Ceci étant dit, cette vérité s’applique dans les deux sens. À un moment donné, il serait bon de cultiver une certaine humilité pour réaliser que votre opinion sur ce que les autres vivent est aussi peu importante que la mienne sur vous.



Mais, probablement encore moins significative, car après tout, moi, au moins, j’habite ici pour de vrai.





En réalité, la réponse qui a jailli spontanément aux inquiétudes de mes interlocuteurs m’a surprise autant qu’elle a surpris ceux qui m’ont posé la question.



"En fait, avec ce résultat d’élections, je me sens plus rassurée pour la situation dans mon pays d’origine," ai-je répondu calmement, avec une conviction que je ne comprends moi-même pas entièrement.



Un drôle de silence s’est installé. C’est comme si mon public n’était pas prêt pour un tel revirement dans la conversation. Que dire à quelqu’un après ça ? Quelle question poser maintenant ?



Puis, une voix moqueuse s’est fait entendre : "Elle est ukrainienne, mais elle n’est pas très pro-Ukraine en tout cas."



Ces mots ont résonné, blessants, non seulement dans ma tête mais aussi dans mon cœur.



C’est douloureux d’entendre cela en tant qu’immigrante portant un amour profond pour mon pays, pour un peuple actuellement pris dans les tourments d’une guerre absurde et tragique.



Honnêtement, qu’est-ce que cela veut même dire d’être "pro-Ukraine" ?



Pour moi, cela n’a pas de sens comme manière de parler. Êtes-vous "pro-Canada", "pro-Québec", "pro-Monde" en ce moment dans votre tête et dans votre cœur?



Moi, je suis pro-paix. Point final.



Je ne soutiens pas des idéologies fondées sur la peur et l'inconscience. Ce que certains pensent de l’Ukraine est souvent le reflet de réactions liées à des traumatismes collectifs non digérés, des séquelles de guerres, de pauvreté, et d'abus qui perdurent depuis des générations.



L'Ukraine ne fait pas la guerre pour une liberté idéalisée, mais par crainte pour sa survie.



Son peuple est confronté à des choix déchirants. Actuellement, le pays paye un lourd prix pour sa survie immédiate, tout en sacrifiant sa souveraineté future.



Imaginez cette situation : faire la guerre contre ses propres frères ou risquer la famine.



Aucun peuple ne souhaite être confronté à ce dilemme. Et l’Ukraine n’est pas seule dans cette logique internationale, où la guerre devient une solution économique brutale mais efficace pour garantir la survie.



Il y a trente ans à peine, l’Ukraine était autonome en termes de sécurité alimentaire, une terre d’abondance agricole sans égale. Les produits qu’on consommait en ville venaient à peine de quelques kilomètres alentour, directement des campagnes où les familles vivaient et cultivaient en harmonie avec la nature. La nourriture était saine, locale, et accessible.



Cependant, aveuglée par un rêve de richesse, l’Ukraine a cédé à la tentation de l’industrie.



Elle a vendu ses terres, mis des machines et des pesticides pour produire des biocarburants avec du cannabis au lieu de nourrir son peuple. Des ingénieurs étrangers ont offert des fortunes aux paysans, et, trop souvent, ceux-ci ont cédé sans comprendre qu’une fois leurs terres accaparées, elles ne serviraient plus à les nourrir eux-mêmes.



En moins de 30 ans, ce choix a bouleversé le pays. Aujourd’hui, ils n’ont plus ni terre ni moyens d’importer ce qui leur manque. Face à cette tragédie, quelles options restent-elles ? Et qu’aurions-nous fait à leur place ?



Les jugements sont faciles. Comprendre la réalité, dans toute sa complexité et sa cruauté, exige beaucoup plus. Lorsque nous parlons de ces enjeux, gardons l’humilité et l’humanité nécessaires pour tenter d'appréhender la vérité de ceux qui souffrent profondément en ce moment.





Une voix retentit soudainement dans la salle, forte et remplie de colère : « Oui, mais les Russes sont sauvages, dangereux et juste cons avec un tyran qui veut conquérir le monde au pouvoir. »



Ce genre de commentaire m’est de plus en plus insupportable. Je comprends que certains aient été exposés à des récits biaisés pendant des années, mais honnêtement, si tu penses que les Russes forment un peuple “con”, tu es complètement déconnecté de la réalité.



Les Russes, tout comme les Ukrainiens, font partie des populations les plus intelligentes et avancées du monde. Le fait qu’ils aient souvent gardé leurs distances des manœuvres internationales ne les rend ni moins cultivés ni moins évolués.



Beaucoup de gens sous-estiment la rigueur de leur système éducatif. À titre d’exemple, ce que j’apprenais en mathématiques ici au secondaire 5, je l’avais déjà vu en Ukraine à l’âge de dix ans. En physique, c’était encore plus avancé : les élèves du secondaire apprennent des concepts que j’ai étudiés à l’université ici, en génie.



En Ukraine, comme en Russie, la littérature, l’art, l’histoire, et la philosophie font intégralement partie de l’éducation dès le secondaire. Aller à la bibliothèque chaque semaine pour travailler sur des projets scolaires était un véritable plaisir, tant c’était stimulant et enrichissant. Les grands classiques de la littérature russe transcendent le temps et continuent d’inspirer profondément à travers le monde.



Leur héritage culturel est immensément riche, leur sagesse collective précieuse. Les qualifier de « cons » ou de « sauvages » est non seulement ignorant, mais également naïf.



Leurs recherches universitaires dans certains domaines scientifiques et techniques sont souvent bien plus avancées que celles d'ici. Nombreux sont les chercheurs en sciences et en ingénierie qui apprennent le russe pour pouvoir accéder à leurs publications et manuels. À l’École Polytechnique de Montréal, certains professeurs me confiaient qu’ils mettaient à jour leurs connaissances grâce aux publications russes, lesquelles avaient souvent dix à vingt ans d’avance.



Le système éducatif là-bas n’a été influencé ni par des motivations religieuses ni par des intérêts industriels depuis des décennies. De plus, l’éducation y était entièrement gratuite, même pour les étudiants étrangers. La majorité des Ukrainiens ont fréquenté l’université et disposent d’un excellent niveau d’instruction. Ce n’est pas parce que l’on savait se nourrir simplement de notre propre terre qu’on négligeait d’aller à l’école.



En vérité, notre autonomie alimentaire et notre résilience communautaire nous ont permis de consacrer du temps à l’art, à l’étude et à l’exploration du monde. Une population qui a bénéficié d’une véritable souveraineté académique durant des décennies ne peut en aucun cas être “conne” — c’est tout simplement illogique. Ce ne sont pas des sauvages, mais des personnes instruites et très puissantes.



Et je ne parle même pas ici de la physique quantique ou du paranormal. L’ésotérisme et le mysticisme, dans certains cas, étaient même inclus dans notre parcours éducatif. Les étudiants en droit, par exemple, peuvent suivre des cours de médiumnité dans certaines universités publiques.



Ça ne surprend personne là-bas d’avoir recours aux services d’une voyante pour des enquêtes criminelles. Cela fait simplement partie de leur culture, un outil parmi tant d’autres, sans en faire toute une affaire.



Le fait que l’éducation soit laïque leur a permis de se libérer des dogmes religieux, ce qui est rare dans le système d’éducation public. On y abordait la mythologie et la théologie comme des sciences en soi, une exploration et expérimentation continue sans limitations imposées par les professeurs.



Il y a une vingtaine d’années, la plupart des examens universitaires se faisaient à l’oral, au tableau, devant toute la classe. Peut-être moins efficient qu’un examen sur ordinateur, mais imaginez un instant le niveau de maîtrise qu’un étudiant doit avoir pour se présenter ainsi. Il apprend à parler devant les autres, à être intègre, vulnérable et confiant, à se maîtriser dans des situations de stress ou en public.



Ce patrimoine culturel est extrêmement précieux, et très loin de l’image que se font aujourd’hui ceux qui n’ont pas eu la chance d’en faire l’expérience eux-mêmes.





L'une des vérités inconfortables, que beaucoup préfèrent ignorer, est pourtant simple : les soviétiques ont certes des crimes à leur actif, mais l’éducation nationale n’en fait pas partie. Le système éducatif soviétique, qu’on retrouve dans les héritages de la Russie et de l'Ukraine, était exceptionnellement rigoureux et puissant.



Les Russes et les Ukrainiens peuvent légitimement être fiers de la manière dont ils ont instruit leurs enfants et du patrimoine social et culturel qu’ils ont transmis. On doit beaucoup aux générations précédentes qui ont instauré une éducation de qualité, une richesse désormais rare dans notre monde.



Là-bas, les enfants avaient plaisir à aller à l’école, car c’était pour eux une expérience stimulante et enrichissante, les maintenant occupés et heureux. Les problèmes de harcèlement étaient presque inexistants, et il n’y avait nul besoin de recourir à des antidépresseurs pour les motiver à apprendre et à collaborer.



Honnêtement, de nombreux Russes et Ukrainiens critiquent sévèrement le système éducatif ici, au Québec, et redoutent d’y inscrire leurs enfants. Et, probablement que ceci est ainsi pour des raisons très justifiables aussi.



Certains parents ont même quitté la région, inquiets pour le bien-être émotionnel et mental de leur progéniture dans ce système. J’ai rencontré des personnes qui, bien qu’attachées au Québec, ont choisi de partir. Ils comprennent l’importance de l’éducation sécurisante psychologiquement et cohérente avec le développement naturel des enfants.



Et ils ne semblent pas le retrouver ici, en tout cas pas dans le système public.



De nombreux immigrants, qu’ils viennent d’Europe de l’Est ou d’ailleurs, sont profondément déçus par la qualité de vie ici, surtout après que leurs enfants aient intégré l’école. Ils commencent à ressentir de la nostalgie pour l’éducation de leur pays d’origine, à remettre en question le « système » et même à douter de leur décision d’avoir immigré.



Ils réalisent alors qu’abondance et richesse ne sont pas synonymes, surtout en ce qui concerne l’éducation, l’alimentation, la santé, et le bien-être.



Vous ne me croyez toujours pas ? Parlez-en aux immigrants que vous connaissez et écoutez-les vraiment. Demandez-leur ce qu’ils pensent de l’éducation ici, et vous pourriez être surpris de la franchise de leurs réponses.





Alors, pourquoi suis-je rassurée par rapport aux élections et à la situation actuelle dans mon pays d’origine ? Quelle est la logique dans tout cela ?



Comme les autres nations aujourd’hui, l'Ukraine devra affronter son propre reflet dans le miroir et assumer ses responsabilités pour le bien-être de son peuple, réparer ses erreurs passées et assurer l’avenir de ses générations futures.



Elle réalisera peut-être, enfin, que peu importe si son « maître » vient de l’Est ou de l’Ouest, elle reste sous la coupe d’un maître. Ceux qui l’aident à se défendre aujourd’hui deviennent ses nouveaux chefs et autorités. Et tant qu’il y a un système qui détient le pouvoir sur le peuple ou la terre, l’Ukraine n’est pas libre ; elle est une esclave du système.



Elle a refusé de coopérer avec l’Est parce qu’elle avait déjà vendu son âme et sa terre à l’Ouest depuis les dernières années. Elle n’était déjà pas véritablement libre, même si elle s’efforçait d’y croire très fort.



Elle souffrait de la faim, du froid, et elle craignait pour sa survie. C’est pour cela, et non pour une liberté ou une indépendance imaginaire, qu’elle a pris les armes, qu’elle s’est engagée dans une guerre fratricide.



Et vous, ici, depuis le confort de votre foyer, avez encouragé l'Ukraine avec vos taxes à se battre au nom de la ‘’souveraineté’’, applaudissant chaque geste de pure violence et vengeance sans aucun sens.



Mais au lieu de lui envoyer de l’argent et des armes pour une guerre absurde, vous pourriez peut-être lui apprendre à résoudre ses conflits de manière pacifique, réellement bénéfique pour son peuple, et à réclamer de manière authentique ses droits sur sa propre terre, sa culture, son humanité.



Mais comment enseigner ce que l’on ne sait pas soi-même ? Peut-être, alors, ne devrions-nous même pas essayer.



Avant d’encourager la « liberté » des autres par la guerre et la violence, il faudrait d’abord s’assurer que nous comprenons nous-mêmes le véritable sens de la liberté chez nous.



 
 
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