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4. La sécurité (La souveraineté) Militaire!

Dernière mise à jour : 9 mai

On a parlé des rois auto-proclamés et on a parlé des paysans (ou des esclaves) modernes. Parlons maintenant des guerriers, de nos fiers soldats, de notre armée très innovante et de notre sécurité militaire.



Apparemment, un pays dans notre conception ça prend au moins ces trois fonctions. Ça prend quelqu'un qui sauve ou protège, ça prend quelqu'un qui abuse et rétablit l'ordre et ça prend quelqu'un qui se rebelle ou qui souffre.



Je te laisse décider quelle strate sociale (ou quelle industrie) joue quel rôle et pourquoi dans tes propres croyances.



Selon toi, qui est le guerrier? Est-il le sauveur, le protecteur, l'abuseur, le conquérant, l'explorateur, le héros ou le colon?



C'est quoi le but, la mission véritable, les valeurs innées, les désirs et les besoins authentiques d'un guerrier?



C'est quoi ses croyances limitantes et c'est quoi ses émotions réprimées? C'est quoi les masques qu'il porte et qu'est-ce qui se cache derrière son uniforme sérieux de camouflage militaire?



Avant de plonger dans cette contemplation, j'aimerais vous inviter à considérer, comme pour mes précédents essais, que ce texte est un exercice de pensée – un jeu d'exploration créative qui nous permet de voir au-delà de nos certitudes et de nos croyances limitantes.



Ce que je vais partager n'est ni une vérité absolue, ni une idéologie, ni une étude scientifique, ni une stratégie, mais plutôt une technique de miroir systémique et collectif pour mieux comprendre notre réalité partagée.



La naissance des corporations militaro-commerciales



Quand on parle de choses aussi complexes que la guerre, c'est important de mettre en perspective le contexte historique.



Pour comprendre les vraies nuances du système capitaliste et de notre dysfonctionnement systémique, on doit remonter à la création des toutes premières entreprises ou corporations qui ont tissé un lien indélébile entre le profit et la violence organisée.



Au début du XVIIe siècle sont nées deux corporations qui ont changé le visage du monde : la Compagnie britannique des Indes orientales (East India Company), fondée en 1600, et la Compagnie néerlandaise des Indes orientales (Vereenigde Oostindische Compagnie ou VOC), créée en 1602.



Ces entreprises ont obtenu de leurs gouvernements respectifs un monopole sur le commerce avec l'Asie, mais aussi — et c'est crucial — le droit de lever des armées, de construire des forteresses, de battre monnaie et même de déclarer la guerre.



Ce qui est remarquable, c'est que ces compagnies n'étaient pas simplement des entreprises commerciales : elles étaient des puissances militaires privées.



La VOC, par exemple, employait plus de 40 000 personnes au XVIIIe siècle et possédait près de 150 navires marchands, mais aussi 40 navires de guerre. Elle a mené des guerres complètes contre des royaumes asiatiques et colonisé des territoires entiers comme l'Indonésie actuelle.



On ne voulait plus faire des guerres directement chez nous, en Europe. Donc, ces militaires et marins se sont retrouvés avec de nouvelles opportunités d'emploi. On avait plein d'équipements, comme des armes et des bateaux. Ces corporations ont alors inventé une nouvelle forme d'expansion : l'"exploration" du monde, qui était en réalité une conquête militaro-commerciale.



Ces voyages étaient financés par des investisseurs européens qui attendaient des retours sur investissement.



C'est la naissance du capitalisme actionnarial tel que nous le connaissons aujourd'hui. Dans les livres de comptes, les dépenses militaires étaient pudiquement qualifiées de "dépenses de voyage" ou de "coûts d'établissement". Les profits, eux, provenaient essentiellement du pillage, euphémiquement appelé "commerce".



Prenons l'exemple concret du commerce d'épices.



Quand la VOC s'est emparée des îles Banda en Indonésie en 1621 pour contrôler la production de noix de muscade, elle a massacré, déporté ou laissé mourir de faim environ 15 000 des 15 700 habitants originels. Mais dans les rapports aux actionnaires d'Amsterdam, on parlait simplement d'une "sécurisation des sources d'approvisionnement".



Ces compagnies ne se contentaient pas de voler des marchandises — épices, soies, porcelaines, thé, opium. Elles ont systématisé l'esclavage à grande échelle. La Compagnie néerlandaise des Indes occidentales, créée en 1621, a transporté près d'un demi-million d'Africains réduits en esclavage vers les Amériques. Ces êtres humains étaient comptabilisés comme du "bétail" dans les registres comptables.



Le colonialisme était donc la première vague de la création du capitalisme moderne, où la violence est un outil de création de valeur pour les actionnaires.



La deuxième vague fut l'industrialisation, qui s'est intensifiée de façon spectaculaire avec les grandes guerres. La Première Guerre mondiale a accéléré le développement de l'industrie chimique — pensez aux gaz de combat de la société BASF, devenue ensuite une multinationale de la chimie. La Seconde Guerre mondiale a propulsé l'électronique, l'aéronautique, et même l'informatique — IBM a fourni les machines à cartes perforées utilisées pour recenser les Juifs pendant l'Holocauste, avant de devenir un géant de l'informatique.



L'industrie des transports, de l'énergie, de l'information et des hautes technologies — tous ces secteurs ont été propulsés par les besoins militaires avant d'être reconvertis en applications civiles. Internet lui-même est né d'un projet du Département de la Défense américain (ARPANET).



La guerre n'est pas seulement une conséquence du développement économique. Elle en est souvent le moteur initial, créant la demande nécessaire pour stimuler l'innovation technologique et l'expansion des marchés.



Tu te casses la tête pour te demander comment changer ta voiture pour qu'elle soit électrique pour ne pas encourager les pétroliers. Est-ce que tu réalises que les pétroliers n’ont littéralement rien à foutre de ta voiture? C'est eux-mêmes qui veulent que tu arrêtes d'utiliser autant de pétrole, parce qu'ils peuvent le vendre aux clients qui paient encore mieux que toi.



Est-ce que tu t'es déjà demandé combien de barils de pétrole ça prend pour faire une guerre quelque part? Combien d'avions et de bateaux ça prend pour déplacer les armes et les tanks un peu partout dans le monde?



S'il y a des guerres un peu partout, tu penses vraiment que c'est le citoyen ou le peuple qui sont les clients les plus intéressants pour les manufacturiers de transport et pour les producteurs et les distributeurs de l'énergie? Tu penses que c'est l'aviation civile leur priorité dans ces moments-là, ou plutôt les avions de guerre?



Qu'est-ce qui rapporte le plus d'argent aux industries canadiennes des mines, de l'énergie, des transports et des technologies, leurs ventes pour répondre aux véritables besoins de notre communauté ou bien leurs ventes de nature militaire?



Les jobs et l'économie



Au Canada, le complexe militaro-industriel n'est pas un simple épiphénomène marginal : il est une colonne vertébrale de notre économie.



Il soutient directement quelque 81 200 emplois dans l'industrie de la défense, dont une grande partie sont des emplois spécialisés à haute valeur ajoutée. Si l'on considère les Forces armées canadiennes, ce sont environ 68 000 militaires actifs et 27 000 réservistes qui s'ajoutent à ce décompte. Enfin, le ministère de la Défense emploie quelque 24 000 civils.



Au total, c'est donc environ 200 200 personnes qui vivent directement de l'économie de guerre dans notre pays.



Chaque année, cette industrie génère plus de 12,6 milliards de dollars de chiffre d'affaires. (Et, je parie que c’est juste sur papier, en réalité, c’est certainement beaucoup plus que ça…)



Des entreprises comme CAE (simulateurs de vol militaires), General Dynamics (véhicules blindés) ou L3Harris (systèmes électroniques) sont célébrées comme des fleurons de notre économie, créant des emplois "de qualité" et faisant rayonner l'expertise canadienne à l'international.



Mais au-delà de ces 200 000 emplois directement liés à la défense, c'est un écosystème entier qui dépend de la guerre.



Près de 3,7 millions d'emplois sont potentiellement affectés par notre économie militarisée : 207 800 emplois dans le secteur de l'énergie, 694 000 dans celui des mines et des minerais, 2,8 millions dans le secteur non lucratif (incluant l'aide humanitaire), et environ 14 000 au sein d'Affaires mondiales Canada.



Cette dépendance crée une situation profondément perverse : pour maintenir notre "prospérité", nous avons besoin que des conflits perdurent quelque part dans le monde.



L'ingénieur qualifié qui conçoit des systèmes de ciblage sophistiqués a besoin de nouveaux contrats, donc indirectement de nouvelles zones de combat. Son hypothèque, l'école privée de ses enfants, ses vacances annuelles – tout cela repose sur la continuation de la violence organisée.



Imagine un instant ce que représenterait pour toi, ou pour ton voisin, l'arrêt soudain de ces commandes militaires.



La technicienne qui calibre des viseurs de précision, l'informaticien qui programme des logiciels de drones, l'ouvrière spécialisée qui assemble des composants de missiles – tous seraient confrontés à la même question angoissante : comment réorienter leurs compétences vers un autre secteur? Et vers lequel?



Mais cette question nous place face à une vérité inconfortable : nous ne pouvons pas demander à nos politiciens de "choisir la paix" tant que nous n'avons pas construit une économie alternative viable. C'est comme demander à quelqu'un de lâcher une branche avant d'avoir une prise solide sur une autre.



La véritable souveraineté commence par cette prise de conscience : si nous voulons réellement un pays qui ne dépend pas de la guerre, nous devons d'abord créer une économie locale fonctionnelle qui n'a pas besoin du conflit pour prospérer. C'est à nous, citoyens et travailleurs, de commencer cette transformation – pas seulement par nos votes ou nos manifestations, mais par nos choix professionnels, nos compétences, nos innovations.



Et cela ne se produira pas spontanément. Les entreprises qui profitent du système actuel n'ont aucun intérêt à encourager cette transition. C'est à chacun d'entre nous de réfléchir : comment puis-je utiliser mes compétences pour créer de la valeur sans contribuer à la destruction?



L'ingénieur en aérospatiale pourrait concevoir des drones agricoles pour optimiser les récoltes plutôt que des drones de combat. La programmeuse pourrait développer des logiciels d'optimisation énergétique plutôt que des systèmes de surveillance militaire. Le métallurgiste pourrait travailler sur des alliages pour l'énergie solaire plutôt que pour le blindage.



Cette transformation ne peut pas attendre une directive gouvernementale. Elle doit commencer par une révolution dans nos mentalités et nos choix de carrière.



Les 200 200 personnes qui travaillent aujourd'hui dans le secteur militaire possèdent un capital intellectuel, technique et humain immense. Ce sont ces mêmes capacités qui pourraient être réorientées vers la construction d'une économie régénérative et pacifique.



La question n'est donc pas "Comment le gouvernement va-t-il créer des emplois pour remplacer ceux de l'industrie de la défense?" mais "Comment allons-nous, individuellement et collectivement, transformer nos compétences pour servir la vie plutôt que la destruction?"



C'est un choix que nous faisons chaque jour : dans nos études, dans nos recherches d'emploi, dans nos innovations, dans nos investissements. Chaque fois que nous refusons de mettre notre intelligence au service de la machine de guerre, nous contribuons à cette transformation essentielle.



Le PTSD et la blessure de l'âme du guerrier



La santé mentale et émotionnelle sont profondément liées à la guerre, mais pas uniquement comme un effet secondaire. Elles représentent le coût humain fondamental de notre système militarisé.



Considérons d'abord ce que signifie réellement être un guerrier moderne.



L'être humain n'est pas biologiquement programmé pour tuer ses semblables. Chaque fois qu'une personne doit violer cette programmation intérieure, c'est sa propre humanité qui se fracture. Dans les traditions anciennes, les sociétés reconnaissaient cette blessure sacrée du guerrier et créaient des rituels de purification et de réintégration. On comprenait que le guerrier qui revient du combat n'est plus la même personne que celle qui est partie.



Aujourd'hui, nous envoyons des jeunes hommes et femmes dans des zones de conflit, leur demandons de faire l'impensable, puis les renvoyons dans des centres commerciaux et des banlieues tranquilles en attendant d'eux qu'ils se comportent "normalement".



Est-ce une surprise si tant d'entre eux se retrouvent isolés, incapables de communiquer leur expérience, déchirés entre la loyauté envers leurs frères d'armes et l'horreur de ce qu'ils ont vu ou fait?



Le coût social et les conséquences du SSPT (syndrome de stress post-traumatique) s'étendent à toute la communauté et même aux générations suivantes.



Il y a beaucoup de personnes âgées qui souffrent encore aujourd'hui de graves traumatismes d'enfance. Leur traumatisme est principalement lié au fait que leur père était un survivant de guerre qui souffrait d'un grave SSPT non guéri et est devenu violent ou mentalement instable avec ses enfants à son retour.



Réalises-tu que nous avons une société où de nombreux baby-boomers sont encore traumatisés parce que leurs parents ont combattu dans une guerre ailleurs? La guerre ne se déroulant même pas directement au Canada.



Au Canada, jusqu'à 2,5 millions d'adultes ont souffert de SSPT au cours de leur vie. En 2022, 3 291 demandes de congé pour SSPT ont été déposées, soit 45% de toutes les demandes liées aux troubles mentaux. Ces chiffres ne capturent que la pointe de l'iceberg – combien ne demandent jamais d'aide, combien s'auto-médicamentent avec l'alcool ou les drogues, combien finissent par se suicider?



Puisque j'ai déjà commencé à parler de l'économie, essayons d'imaginer l'économie des coûts d'après-guerre pour la santé physique, émotionnelle et mentale.



Mais pas seulement celle des soldats.



Mais aussi de toute leur famille. Ajoutons-y le coût des antidépresseurs que sa femme utilise quand il est en guerre. Ajoutons aussi une thérapie de 10 ans pour ses enfants quand ils grandiront. Si nous voulons parler de chiffres, soyons logiques et utilisons les vrais chiffres.



Le coût économique des maladies mentales au Canada est estimé à plus de 50 milliards de dollars par an. Calculons maintenant combien cela nous coûte réellement d'encourager une guerre quelque part de façon réellement systémique et cohérente.



Et tout cela n'affecte pas que les militaires.



Pense à l'ingénieur qui conçoit des systèmes de guidage pour missiles. Quelle division psychique doit-il créer en lui-même pour continuer son travail en sachant que son expertise servira à tuer? Pense à l'ouvrière qui assemble des composants électroniques, se disant que ce ne sont "que des pièces", alors qu'une voix en elle sait très bien qu'elles finiront dans des armes.



Ces personnes développent ce que les psychologues appellent une "dissonance cognitive" – un état de tension intérieure qui, avec le temps, érode leur bien-être psychologique.



Est-ce que je continue à construire un train pour amener les gens plus rapidement à l'exécution? Est-ce que je continue à fabriquer des chambres à gaz et des équipements militaires? Ou est-ce que j'arrête de faire mon travail? Est-ce que je vais voir ma famille en leur disant que je ne veux plus encourager la guerre pour un salaire, donc nous allons probablement mourir de faim?



Beaucoup de gens jugent les criminels et les collaborateurs de la guerre. Mais peu comprennent vraiment combien ils souffrent. Combien ils sont confus et en colère. Combien ils souhaitent pouvoir faire un travail différent. Combien eux aussi désirent vivre dans un monde où ils n'ont pas besoin de tuer des gens dans d'autres pays pour pouvoir manger et avoir un abri.



La Terre et ses ressources



Quand on parle de guerre, on oublie souvent de mentionner sa première victime : la Terre elle-même. La guerre n'est pas seulement une tragédie humaine, c'est une catastrophe écologique dont l'ampleur dépasse l'entendement.



Derrière chaque conflit armé se cache une guerre économique pour les ressources naturelles. L'uranium, le coltan, le pétrole, l'eau, les terres rares – ces éléments sont les véritables enjeux des guerres modernes, soigneusement camouflés sous des prétextes idéologiques, religieux ou de "sécurité nationale".



As-tu déjà réfléchi à ce que signifie réellement avoir un téléphone intelligent dans ta poche?



Ce petit appareil contient au moins 40 minéraux différents, dont beaucoup proviennent de zones de conflit.



Le coltan, essentiel pour les condensateurs de nos appareils électroniques, est principalement extrait en République Démocratique du Congo. Et que se passe-t-il là-bas? Des guerres civiles interminables, des milices qui recrutent des enfants soldats, des viols systématiques, des villages entiers détruits.



Est-ce que tu réalises que nous avons payé pour des enfants soldats en Afrique avec l'argent de l'ONU pour leur donner des armes au lieu de livres? Parce que certains pays étaient plus intéressés par une guerre civile là-bas pour produire des ordinateurs et des téléphones portables moins chers que par le bien-être des populations ou de la Terre.



Comprends-tu que nous avons détruit des tribus et des nations entières et leur avenir pour pouvoir sécuriser notre développement industriel?



Pour avoir des téléphones bon marché, nous payons aussi grassement pour abuser des autres et de leurs terres. L'absurdité atteint son comble quand on réalise que les mêmes entreprises qui profitent de ces ressources volées lancent ensuite des campagnes de "responsabilité sociale" et de "développement durable".



L'impact environnemental de l'industrie militaire est stupéfiant. Un seul avion de chasse F-35 consomme environ 5 600 litres de carburant par heure de vol. Les tanks, les porte-avions, les sous-marins nucléaires – tous ces équipements sont des gouffres énergétiques.



Mais ce n'est que la pointe de l'iceberg.



Pense aux terres contaminées par les résidus d'explosifs, aux forêts détruites pour créer des zones de test, aux océans pollués par les sonars et les déchets militaires. Pense aux substances chimiques toxiques qui s'infiltrent dans les sols et l'eau lors des bombardements, aux radiations qui persistent pendant des générations après l'utilisation d'armes à l'uranium appauvri.



Paradoxalement, nous détruisons la nature – notre seule véritable source de sécurité et de richesse – sous prétexte de protéger notre mode de vie. Mais quel mode de vie reste-t-il à protéger sur une planète dévastée?



Il y a une économie de guerre sous-jacente à chaque guerre physique. Nous détruisons nos populations et la Nature principalement pour gagner une guerre économique. Mais notre économie ne fonctionne pas, alors pourquoi nous battons-nous pour elle?



Nos gouvernements et nos entreprises sont engagés dans une course frénétique pour contrôler les dernières ressources de la planète. C'est une stratégie définie par la peur et la rareté, non par la sagesse et l'abondance.



Et pendant ce temps, les véritables solutions – l'économie circulaire, la régénération des écosystèmes, le partage équitable des richesses – sont ignorées car elles ne génèrent pas assez de profits à court terme pour les actionnaires des entreprises d'armement.



En réalité, ce sont nos communautés et notre environnement qui paient le prix fort de cette folie. Quand une mine de coltan s'ouvre en Afrique centrale, ce ne sont pas seulement des arbres qui disparaissent – c'est tout un écosystème, une culture, une manière de vivre en harmonie avec la nature qui est anéantie.



Nous avons créé un système où la destruction de la Terre est rentable, et sa protection est considérée comme un coût. C'est cette logique inversée qui est à la racine de notre insécurité collective. Car comment peut-on se sentir en sécurité sur une planète qu'on s'acharne à rendre inhabitable?



La guerre est devenue notre grand projet collectif de suicide, masqué en entreprise économique rationnelle. Nous dépensons des trillions pour détruire ce qui nous fait vivre, au nom d'un progrès qui nous conduit droit dans le mur.



L'art de la guerre : entre sacré et profane



La guerre, dans son essence la plus pure, est un art sacré — un art qui transcende la simple technologie des armes ou la stratégie des mouvements de troupes. Quand je parle d'art sacré, je ne glorifie pas la violence ou la destruction. Je parle plutôt de cette sagesse profonde qui reconnaît que parfois, le courage de se tenir debout face à l'oppression est nécessaire.



Regarde les véritables arts martiaux traditionnels.



Il y a une raison pour laquelle on les appelle "arts" et non "sciences" martiales.



Une science peut être enseignée à n'importe qui capable de suivre un protocole. Un art, lui, exige une transformation intérieure, une initiation, un apprentissage qui passe par le corps, l'esprit et l'âme. Le vrai guerrier n'est pas celui qui maîtrise le plus d'armes ou qui sait tuer avec efficacité. C'est celui qui comprend quand ne pas utiliser sa force.



Dans toutes les traditions anciennes, le guerrier était un gardien spirituel de sa communauté.



À Sparte, au Japon avec les samouraïs, dans les traditions amérindiennes, le guerrier suivait un code d'honneur rigoureux. Sa vie n'était pas dédiée à l'enrichissement personnel, mais au service de valeurs transcendantes : la protection des plus vulnérables, la préservation de la culture, la défense de la justice.



Aujourd'hui, que reste-t-il de cette dimension sacrée? Quand le général Eisenhower mettait en garde contre le "complexe militaro-industriel", il avertissait précisément de cette perversion : la transformation d'un art sacré en une industrie profane.



Un authentique guerrier ressent une tristesse profonde face à la nécessité du combat. Il ne se réjouit jamais des souffrances qu'il inflige. Il connaît le coût véritable de la violence — pas en dollars, mais en âmes fracturées, en vies brisées, en traumatismes qui traverseront les générations.



Regarde le contraste saisissant : d'un côté, le PDG d'une entreprise d'armement qui célèbre un nouveau contrat de missiles en ouvrant une bouteille de champagne; de l'autre, le guerrier traditionnel qui jeûne et prie avant d'aller au combat, conscient qu'il va peut-être ôter la vie à un autre être humain.



La guerre n'est pas une affaire pour les lâches, ni pour les comptables.



L'art de la guerre a un code qui doit être respecté et honoré. Une guerre n'est pas un outil ou une stratégie pour s'enrichir ou pour construire les fondements d'une civilisation. Un pays qui dépend de la guerre pour être riche, heureux et en bonne santé est un pays très primitif. C'est aussi un pays très triste, fragile et vulnérable.



Si tu veux vraiment assurer la sécurité et la sûreté dans ta communauté, tu ne devrais pas te demander comment fabriquer plus de bombes et recruter plus de soldats dans l'armée.



Tu devrais réfléchir à la façon de créer une économie locale qui ne dépend pas de la guerre, de la corruption et de la violence pour survivre. Tu ne peux garantir ta sécurité nationale que si tu sais créer un système économique véritablement fondé sur la sécurité et la paix.



Quand tu as une véritable souveraineté politique vis-à-vis de l'industrie de la guerre. Quand tu peux créer des emplois précieux et significatifs sans avoir besoin d'abuser, de contrôler ou de manipuler les autres.



Tu ne peux pas jouer au jeu de la guerre avec une dignité authentique si ton pays et ton peuple en dépendent pour survivre et prospérer.



Tu peux seulement considérer la guerre comme une stratégie valable quand tu sais déjà respecter la dignité de l'autre. Quand tu sais vraiment te respecter toi-même et ton propre peuple. Quand tu sais comment prendre soin de tes communautés et de tes sociétés.



Quand tu sais comment créer une civilisation normale chez toi d'abord, avant de dire aux autres pays comment ils devraient le faire juste pour pouvoir leur vendre plus d'équipements militaires.



Apprendre à être humain. Apprendre à être responsable. Apprendre à être dans nos pouvoirs innés et souverains sont toutes des conditions préalables pour être digne de nous engager dans l'art sacré de la guerre.



Guérir la dépendance économique à la guerre



La technologie, l'industrialisation, le capitalisme et même ce qu'on appelle l'innovation aujourd'hui sont tous dépendants, financés et intimement interconnectés avec la guerre.



C'est la guerre qui nous rapporte le plus d'argent et qui stimule le mieux notre économie dans les pays occidentaux.



Mais imaginons, juste un instant, que nous prenions collectivement la décision de transformer notre économie militarisée en une économie de paix. À quoi ressemblerait concrètement cette transition?



Voici quelques pistes concrètes :



1. La reconversion systémique des industries d'armement



Pense aux usines qui fabriquent aujourd'hui des hélicoptères militaires. Ces mêmes usines pourraient produire des éoliennes ou des systèmes ferroviaires à grande vitesse. Les compétences en ingénierie aérospatiale sont transférables vers la conception de systèmes d'énergie renouvelable.



La société espagnole Navantia, anciennement spécialisée dans les navires militaires, diversifie aujourd'hui ses activités vers les installations éoliennes offshore. Rolls-Royce, qui fabrique des moteurs d'avions militaires, développe en parallèle des technologies de petits réacteurs nucléaires modulaires pour la production d'énergie civile.



2. La transformation des infrastructures militaires



Les bases militaires occupent d'énormes surfaces de terrain, souvent dans des endroits stratégiques. Ces espaces pourraient être reconvertis en centres de recherche sur l'agriculture régénérative, en parcs nationaux, ou en incubateurs d'écotechnologies.



Aux États-Unis, l'ancienne base militaire de Fort Ord en Californie est devenue un campus universitaire et un parc naturel. En Allemagne, l'aéroport de Tempelhof est maintenant un immense espace public consacré aux loisirs et à l'agriculture urbaine.



3. Le redéploiement du capital humain



Les 200 200 personnes qui travaillent actuellement dans le secteur de la défense au Canada possèdent des compétences inestimables : gestion de crise, logistique complexe, ingénierie de pointe, capacité à travailler sous pression. Ces compétences sont précisément celles dont nous avons désespérément besoin pour faire face aux crises écologiques, énergétiques et sociales.



Imaginons un programme national de "Gardes Verts" où d'anciens militaires formeraient des civils aux techniques de réponse aux catastrophes naturelles, de plus en plus fréquentes avec le changement climatique. Ou un corps d'ingénieurs militaires reconvertis qui se consacreraient à la construction d'infrastructures vertes dans les communautés éloignées ou autochtones.



4. Le financement de la transition



Les 27,2 milliards de dollars que le Canada dépense annuellement pour la défense pourraient progressivement être réalloués : ne serait-ce que 10% de cette somme, soit 2,7 milliards, pourrait financer un fonds de transition pour les travailleurs du secteur militaire. Ce fonds couvrirait des formations spécialisées, des incubateurs d'entreprises sociales, et des projets pilotes de reconversion industrielle.



Guérir la dépendance économique à la guerre est un processus très complexe. Nous devons tous participer à ce changement. Nous devons tous être courageux et créatifs dans la façon de transformer notre société et de garantir sa prospérité future fondée sur la paix, et non sur la guerre.



Nous devons tous être des cocréateurs responsables d'une communauté qui est libre et souveraine du système de non-sens international basé sur la violence.



Ce ne sera pas facile.



Changer, transformer et réorienter 200 200 emplois (sans compter les millions d'emplois indirectement liés) ne se fait pas du jour au lendemain. Mais tu dois aussi comprendre que cela doit être fait par les personnes qui font ces emplois, pas par le gouvernement.



Ces personnes ont besoin d'aide, de ressources et de conseils de leurs communautés pour soutenir cette transition pour nous tous de la manière la plus sûre, cohérente, efficace et agréable possible.



Cette transformation n'est pas une utopie naïve.



C'est une nécessité stratégique si nous voulons construire une société véritablement résiliente, qui ne prospère pas sur la destruction mais sur la régénération, pas sur la domination mais sur la coopération.



De la guerre des armes à la paix des mains



De la première compagnie des Indes orientales à l'industrie d'armements d'aujourd'hui, la guerre a bâti notre monde. Mais aujourd'hui, exposés aux racines historiques, aux enjeux économiques et aux traumatismes psychiques qu'elle engendre, nous avons le choix de nous libérer de cette logique.



Être cocréateurs de notre souveraineté, c'est :



• Observer sans juger, pour comprendre en profondeur les mécanismes qui nous gouvernent.



• Imaginer des alternatives, des modèles économiques qui placent la vie et la coopération au cœur de leurs priorités.



• Agir collectivement, en réorientant compétences, ressources et énergies vers la construction d'une société réellement durable et pacifique.



La sécurité militaire n'est ni un problème isolé, ni une fatalité : c'est un levier de transformation. En intégrant la pensée systémique, nous pouvons réécrire le récit de notre nation, en faisant de chaque citoyen un gardien de la paix, plutôt qu'un rouage de la machine de guerre.



Peut-être que la vraie révolution ne se fera pas avec des armes mais avec des idées, pas avec le sang mais dans nos choix quotidiens. Peut-être que notre véritable arsenal n'est pas fait de missiles et de chars, mais de courage et d'intelligence collective.



La guerre a toujours été un échec de l'imagination. Quand nous manquons de créativité pour résoudre nos problèmes, nous recourons à la force. Mais aujourd'hui, face aux défis planétaires qui nous attendent, cette absence d'imagination pourrait nous coûter notre avenir même.



Notre souveraineté militaire ne se mesure pas au nombre de nos bombes, mais à notre capacité à nous défendre sans détruire ce que nous prétendons protéger.



L'ultime puissance n'est pas de pouvoir anéantir un ennemi, mais de transformer un adversaire en allié, une menace en opportunité, une compétition mortelle en coopération vivante.



Alors que les systèmes hérités du passé s'essoufflent et vacillent, une question fondamentale se pose à chacun d'entre nous : serons-nous les derniers défenseurs d'un ordre mourant fondé sur la domination et la peur, ou les premiers bâtisseurs d'un monde où la sécurité véritable naît de la solidarité, de l’amour et de la responsabilité partagée?



Car au fond, peut-être que la plus grande victoire serait celle que nous remporterions sur nos propres peurs – celle où nous oserions enfin désarmer nos esprits avant de désarmer nos nations.



 
 
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