3. La sécurité (La souveraineté) en Éducation!
- Kateryna Derkach
- 26 avr.
- 18 min de lecture
Dernière mise à jour : 9 mai
Bon, ce n'était pas le plan originalement, mais c'est tellement nourrissant pour moi comme exercice qu'apparemment ça devient une petite série sur la sécurité et la souveraineté nationale.
Dans les dernières contemplations, on a parlé de la nourriture et de la santé. Aujourd'hui, on va parler de l'éducation! Car une éducation authentique est peut-être notre rempart le plus puissant contre la dépendance au contrôle et la vulnérabilité collective.
Avant de commencer, j'aimerais vous inviter à considérer cette contemplation comme un jeu d'exploration – un exercice de pensée qui nous permet de voir au-delà de nos certitudes. Ce que je vais partager n'est ni une vérité absolue, ni un plaidoyer idéologique, mais plutôt une technique de miroir systémique et collectif.
Nous sommes tellement habitués à juger les autres cultures à travers le prisme de nos propres valeurs que nous en oublions de questionner les fondements mêmes de notre système. Nous condamnons facilement ce qui nous est étranger, sans réaliser que cette condamnation révèle souvent plus sur nos propres biais culturels que sur l'objet de notre critique.
Chaque population, chaque tribu, chaque culture, chaque société a le droit d'être, d'appartenir et de devenir ce qu'elle souhaite.
La diversité des approches humaines n'est pas un problème à résoudre, mais une richesse à célébrer. Cependant, pour que cette diversité devienne véritablement source d'apprentissage mutuel, nous devons d'abord apprendre à nous observer nous-mêmes et les autres avec des yeux plus clairs, plus larges, plus curieux.
Dans cette exploration, j'emploierai délibérément la provocation comme méthode. Ne vous méprenez pas sur mes intentions. La provocation est un art subtil et sophistiqué qui nous permet d'explorer les structures conscientes et inconscientes de nos croyances.
C'est un outil puissant qui fait vibrer nos certitudes jusqu'à ce qu'elles révèlent leurs fissures – non pour les détruire, mais pour les examiner à la lumière.
La provocation n'est pas nécessairement le fruit du narcissisme, de l'arrogance ou d'un manque d'humanité. Elle peut l'être, certes. Mais elle peut aussi être un cadeau précieux de guérison, de transformation et d'éveil à soi-même, si c'est ainsi que nous choisissons de la recevoir.
Lorsque quelqu'un nous provoque avec intelligence et intentionnalité, il nous offre l'opportunité rare de voir au-delà de nos réflexes défensifs, de nos automatismes culturels.
La provocation peut être une puissance créatrice, un catalyseur de conscience. Et c'est précisément sur cette frontière délicate que cette contemplation va jouer – tantôt caressant nos convictions, tantôt les bousculant, toujours dans l'intention de créer un espace où de nouvelles pensées deviennent possibles.
Alors, prenez ce qui suit non pas comme une assertion de supériorité d'un système sur un autre, mais comme une invitation à élargir notre champ de vision. Comme un jeu de miroirs où, en contemplant l'autre, nous découvrons peut-être des aspects de nous-mêmes que nous n'avions jamais remarqués.
...
"Apprends, apprends, apprends" était le slogan super simple qui était mis en grand avec des briques sur presque toutes les façades des écoles soviétiques. Parfois, il y avait aussi la face de Lénine en bas de cette écriture.
Donc, oui, c'était quand même très politique, mais l'idée derrière était que l'arme et la protection la plus puissante qu'une population puisse avoir était l'éducation de qualité. Un peuple bien instruit est un peuple fort et libre.
L'éducation était une des priorités nationales des plus importantes dans le régime soviétique.
Ce n’était pas juste gratuit pour tout le monde, mais c'était réellement une éducation de très grande qualité aussi.
Les enfants n'apprenaient pas seulement les matières qui allaient leur apporter le plus d'argent ou de pouvoir de contrôle sur les autres plus tard.
À l'école ils apprenaient aussi la musique, l'art, la menuiserie, la couture, la cuisine, le jardinage, le théâtre, la philosophie, l'histoire, l'économie, les services sociaux et le bénévolat, et beaucoup d'autres choses.
Les enfants faisaient des voyages dans les autres régions, villages ou villes, des lieux historiques, et des sorties de camping dans la nature sauvage avec leurs écoles très souvent. Ça faisait partie de leur parcours scolaire normal.
Cette diversité dans l'apprentissage et cette multidisciplinarité systémique faisaient en sorte que ces enfants étaient aussi très bons en mathématiques, en sciences et en technologie. Leurs cerveaux étaient stimulés de façon holistique et multisensorielle, ce qui rendait leur capacité d'apprentissage beaucoup plus simple, efficace, plaisante et beaucoup plus rapide.
L'école était un peu comme une mini société, mais un modèle de société qui restait quand même très représentatif et cohérent de ce qui était la réalité sociale à l'extérieur de celle-ci.
Le but était d'outiller et d'instruire les enfants et les jeunes le mieux possible, car ils comprenaient que l'école aujourd'hui serait leur future société.
Donc si à la petite école, ils disent aux enfants que les docteurs, les scientifiques et les ingénieurs sont plus importants et plus valorisés que les artistes, les professeurs, les fermiers et les ouvriers, ils risquent de créer une société très étrange en seulement quelques générations.
Probablement une société un peu déséquilibrée. Une population où personne ne souhaite faire des emplois d'ordre humain, social ou culturel. Parce qu'ils seraient plus pauvres, parce qu'ils ne seraient pas perçus comme très dignes de respect, de privilège et d'appréciation dans la société.
Mais, s'ils sont de grands scientifiques, ingénieurs ou docteurs, ils n'ont rien à craindre. On va les aimer peu importe quoi et ils vont toujours être assurés d'avoir un emploi garanti et très bien payé.
Je suppose que les Soviétiques ne voulaient pas vivre dans une société où tout le monde pense que l'ingénieur vaut plus que l'ouvrier. Le scientifique plus que le poète.
Pour eux, c'était important que toutes les professions et tous les rôles sociaux soient perçues comme dignes, important et valorisées de la même manière par les enfants et par les adultes. Chaque membre de la communauté peu importe son statut social ou son titre professionnelle méritait le même respect et reconnaissance des autres.
Aussi, les enfants de la femme de ménage et les enfants des docteurs avaient exactement le même accès aux ressources publiques et aux services sociaux aussi.
Autrement dit, ce n'était pas parce que tes parents sont un peu plus ‘’pauvres’’ ou moins éduqués que tu n'aurais pas accès à une éducation de qualité. L'alimentation, la santé, l'hébergement et l'éducation étaient à peu près garantis peu importe ce que toi ou tes parents faites dans la société.
Le gouvernement payait aux étudiants des primes mensuelles quand ils allaient à l'université pour qu'ils puissent avoir de l'argent de poche pour pouvoir se concentrer sur leurs études et pas sur leur survie de base. Ce n'était pas des crédits, des prêts ou des bourses. C'était un salaire que les étudiants recevaient pour aller à l'école.
Bref.
L'école était perçue comme un investissement très important pour toute la population. L'école était la base et la fondation de la société, de la culture et de leur communauté future.
N'importe quelle petite incohérence systémique au niveau de l'éducation nationale pouvait très facilement se transformer en désastre plus tard dans la société.
Par exemple, si l'éducation méprise ou réprime certaines émotions chez les enfants, comme par exemple la colère, ça se peut que plus tard dans la société on aurait beaucoup trop d'adultes qui veulent s'entretuer entre eux sans même comprendre pourquoi.
Ou ça se peut qu'on aurait une société d'adultes dociles et très soumis qui n'ont jamais appris que la colère est une émotion clé pour pouvoir protéger leur dignité, pouvoir et intégrité personnelle.
Quelqu'un qui a réprimé sa colère toute sa vie, qui n'a aucune idée comment maîtriser cette émotion en sécurité et avec un véritable respect, ou qui a peur ou honte lui-même quand il ressent cette émotion à l'intérieur, ce quelqu'un peut être très facilement manipulé et contrôlé.
Ça peut aussi exploser de façon incontrôlable, imprévisible et involontaire. Ça peut être dangereux et très violent.
Une personne complètement analphabète de l'émotion de la colère ne peut pas avoir accès à sa pleine puissance.
…
Comme tu peux t'en douter j'ai pris l'exemple de la colère pour une raison. Ce n'est clairement pas l'émotion qui était réprimée dans le système d'éducation soviétique. Par contre, c'est l'émotion qui a été jugée, blâmée, condamnée, démonisée, et tout le reste dans le système de l'éducation au Québec depuis très longtemps.
Un enfant à qui l'on refuse le droit d'exprimer sainement sa colère est un enfant que l'on prépare à accepter l'inacceptable.
Privé de ce mécanisme naturel de défense, il devient incapable de poser des limites face aux abus de pouvoir et aux intimidations systémiques. C'est un paradoxe troublant : les écoles qui imposent le plus sévèrement la "gentillesse" et le silence sont souvent celles où sévissent les cas les plus graves de harcèlement entre élèves.
Dans ces environnements, la performance académique et la compétition deviennent les seuls exutoires "acceptables" pour combattre l'injustice – bien plus "civilisés" que d'exprimer authentiquement ce que l'on ressent.
Cette dynamique perverse nous transforme en hypocrites polis mais impuissants, dissimulant notre sensibilité et nos émotions profondes derrière notre intellect et des règles de bienséance arbitraires.
Nous apprenons ainsi à sourire à ceux qui nous blessent et à nous incliner devant ceux qui nous oppriment.
L'obéissance aveugle à l'autorité et aux règles rigides. L'absence de sens critique et de jugement personnel. L'enfant est comparé et évalué selon un curriculum scolaire politique et non selon ses capacités authentiques ou sa véritable habileté d'apprentissage.
Chaque enfant est unique, mais on a des écoles pour produire des adultes qui sont tous pareils, comme si fabriqués en usine avec des grands standards binaire de conformité exacte.
On a des écoles qui veulent que tous les enfants pensent, disent, croient et fassent la même chose, tous en même temps et de préférence en silence cloués sur une chaise.
On veut des écoles où les enfants sont très gentils, qui écoutent sans dire un mot tout le non-sens que leurs professeurs leur racontent et qu'ils obéissent à toutes nos règles complètement dysfonctionnelles sans jamais les remettre en question.
Après on a un pays d'adultes qui cherchent sans cesse un ‘’patron’’ ou un ‘’sauveur’’ pour leur dire quoi faire et pour les protéger. Depuis qu'ils ont 5 ans, ils obéissent comme des aveugles à quelqu'un d'autre. Dans leur tête les règles en place et les instructions de leurs supérieurs sont beaucoup plus importantes que la volonté intérieure, le bien-être ou le jugement personnel.
Comment veux-tu qu'ils se sentent en sécurité dans la liberté totale de leurs croyances et de leurs actions s'ils n'ont jamais eu l'occasion de l'apprendre ou de le pratiquer ensemble?
Comment tu veux avoir un peuple dans sa souveraineté et dans sa puissance d'être, si leur mental collectif est programmé avec la formule de l'obéissance totale à l'autorité?
Quand personne n'a appris à penser avec sa propre tête. Quand tout le monde fait juste répéter comme des perroquets ce qu'ils ont entendu quelque part. Quand l'ordre des supérieurs est plus important que le bien-être personnel et collectif. Quand la "vérité" de Google est devenue plus intelligente que l'expérience ou la sagesse humaine.
Quand les nouvelles sont plus politiques et théâtrales que simplement informationnelles et logiquement raisonnés. Quand les politiciens et les dirigeants sont plus comme des pères que des leaders.
Quand les employés sont plus comme des esclaves sans opinion personnelle que des cocréateurs souverains et libres d'une société en cohérence, en santé et en prospérité.
Tout ça, ce sont des résultats et des conséquences d'un système d'éducation basé sur l'obéissance et l'autorité biaisé.
Nos écoles créent de très bons collaborateurs du non-sens et de la violence systémique. On fabrique des citoyens très gentils, très facilement manipulables et très dociles dans nos écoles.
Mais nos écoles ne savent pas comment outiller nos enfants à devenir de véritables cocréateurs responsables et des citoyens souverains. Nos écoles ne savent pas comment s'assurer que nos enfants deviennent de réels adultes libres, dans leur pouvoir et avec leur propre potentiel créatif un jour.
…
Un aspect très important à prendre en considération est la relation entre la créativité et le raisonnement. Pour qu'un cerveau soit bien optimisé, en santé, heureux et cohérent, il doit être stimulé autant dans l'intuitif, l’imaginaire, le créatif et l'intangible que dans la pure ‘’logique’’, le concret et le rationnel.
L'analytique est dépendant du sensible (et vice versa).
Un cerveau qui a été coupé de ses capacités intuitives et extra-sensorielles est un cerveau qui a une capacité d'analyse et de réflexion très limitée et très pauvre. Les meilleurs scientifiques, ingénieurs et mathématiciens ont été des artistes aussi.
Le système éducatif (et politique) doit valoriser de façon égale à la fois la science et l'art, et même construire des ponts entre les deux plutôt que des murs ou des dépendances forcés pour des raisons purement économiques.
Cette hiérarchisation commence dès l'école primaire, où l'on inculque aux enfants que l'intellect prime sur les émotions, que les mathématiques valent plus que le dessin, que les sciences "dures" sont plus prestigieuses que les humanités.
On leur répète, parfois explicitement, souvent implicitement, que l'art n'est qu'un "passe-temps agréable" réservé aux privilégiés. "Tu peux dessiner pendant ton temps libre, mais concentre-toi sur les 'vraies matières' qui te permettront d'avoir un 'vrai métier'."
Ce message, martelé pendant des années, s'inscrit profondément dans les esprits en développement. Les enfants intériorisent l'idée que la créativité est secondaire, dispensable, un luxe que notre société "pragmatique" peut difficilement se permettre.
Cette programmation précoce se reflète ensuite dans nos priorités collectives, dans nos budgets nationaux, dans nos choix d'infrastructures.
Elle explique pourquoi les laboratoires reçoivent des milliards pendant que les théâtres ferment, pourquoi nous finançons des applications numériques plutôt que des compagnies de danse.
L'école n'est que le microcosme d'un déséquilibre systémique bien plus vaste.
…
Il n'est pas normal qu'aujourd'hui, pour recevoir des financements publics pour l'art, les artistes n'aient d'autre choix que d'encourager l'utilisation de la technologie et de créer avec des machines plutôt que de collaborer avec d'autres humains.
Même pour financer des projets purement créatifs, nous investissons indirectement davantage dans la technologie, les réseaux sociaux, l'IA et les robots que dans notre créativité authentique, notre expression humaine, nos talents et nos pouvoirs innées.
Nous payons plus pour l'administration, les infrastructures, la logistique, le marketing, les frais juridiques et les ordinateurs que pour l'art et la créativité véritables. Les artistes crèvent de faim pendant que tous les autres s’enrichissent sur leur dos avec leurs créations.
Il est urgent de discuter des préoccupations concernant la survalorisation des sciences naturelles ou technologiques par rapport aux sciences sociales ou culturelles, surtout en tenant compte des énormes disproportions dans les ressources et le financement de ces domaines.
Art contre Science. Nous avons clairement donné le yacht high-tech à la science et à la technologie avec un sac d'argent illimité. Et l'art se retrouve dans un canoë en eau libre, dépendant du système de non-sens pour survivre.
Pourquoi l'art compte toujours — et pourquoi il est systématiquement sous-évalué?
Nous récompensons les machines avec des millions pour être plus branchés, plus intelligents et plus rapides — et nous affamons les artistes qui nous apprennent à être plus humains, plus connectés, plus sages.
…
Quand je travaillais dans les industries de haute technologie en tant qu'ingénieur dans le secteur de recherche et développement, je n'ai jamais cru que nous avions un problème de financement pour des projets innovants ou ‘’créatifs’’ au Canada.
Si vous étiez intelligent, responsable, stratégique — et travailliez dans la technologie ou les sciences naturelles — vous aviez un accès presque illimité aux ressources publiques. Subventions de recherche. Financement de l'innovation. Programmes d'accélération. Le système est construit pour soutenir le développement exponentiel dans ces domaines.
Et je comprends. Nous poursuivons le progrès. Nous voulons un impact. Des résultats tangibles et la croissance économique exponentielle.
Mais des années plus tard, j'ai entamé un travail différent. J'ai créé ma propre entreprise – non pas pour développer la technologie – mais pour développer la transformation. Pour explorer l'invisible qui guide nos choix, nos décisions et nos actions. Pour soutenir la cocréation participative, la guérison systémique et la régénération culturelle.
Ce qui m'a profondément troublé et désillusionné dans ce changement de carrière, c'est de découvrir que même dans ces domaines supposément libres – l'art, la culture, l'innovation sociale – la créativité authentique et la véritable liberté de création étaient presque inexistantes.
C'était déconcertant. Là où je m'attendais à trouver l'expression humaine dans sa forme la plus pure, j'ai trouvé des structures encore plus rigides et limitantes que dans le monde de l’innovation technologique.
Les artistes eux-mêmes semblaient piégés dans des cadres préétablis, obsédés par la conformité aux tendances actuelles ou aux attentes institutionnelles. L'innovation sociale était enfermée dans le langage du "scaling" et des "métriques d'impact". Même les espaces censés nourrir notre imagination collective étaient colonisés par une pensée marchande et instrumentale.
J'ai compris alors que le problème était plus profond qu'un simple déséquilibre de financement entre les sciences et les arts. C'était une crise d'imagination, une incapacité systémique à valoriser ce qui ne peut être immédiatement mesuré, quantifié ou exploité.
Et ce n'est pas seulement mon histoire. C'est la réalité pour presque chaque artiste, innovateur social, travailleur culturel et explorateurs de sagesse dans notre monde.
Le système dans lequel nous vivons récompense la quantité plutôt que la qualité. La performance plutôt que le sens. Les profits plutôt que le bien-être. Le progrès plutôt que la santé. Le contrôle plutôt que la résilience. L'intelligence plutôt que la sagesse. La compétition plutôt que la collaboration.
La tête plutôt que le cœur. Les mémoires, peurs et croyances limitantes, la violence plutôt que les désirs authentiques, visions inspirantes, compassion et amour. On croit aux résultats superficiels – pas à la perspicacité naturelle. Et on a oublié que l'art n'est pas décoratif – il est régénératif.
L'art n'est pas superflu. L'art n'est pas léger. L'art est une infrastructure pour l'âme et une architecture pour notre expérience humaine. C'est ainsi que les communautés se souviennent de qui elles sont. C'est ainsi que nous guérissons de la guerre, des traumatismes et de l'épuisement social. C'est ainsi que nous nous reconnectons au sens lorsque les systèmes s'effondrent.
...
Mais basculons maintenant vers l'autre côté du spectre éducatif.
Traversons la ligne invisible mais infranchissable qui sépare l'éducation des masses de celle de l'élite. Comment se déroule la formation dans les systèmes éducatifs dominés par la science, l'argent et la raison? Que se passe-t-il dans ces institutions prestigieuses qui fabriquent non pas des exécutants, mais des décideurs? Comment prépare-t-on ceux qui porteront les cols blancs, qui occuperont les bureaux avec vue, qui donneront les ordres plutôt que de les recevoir?
Car ne nous y trompons pas : notre système éducatif n'est pas uniforme. Il est stratifié, segmenté, conçu pour reproduire les hiérarchies sociales existantes sous couvert de méritocratie. Pendant que la majorité apprend à obéir, une minorité apprend à commander.
Tu veux que je te dise comment on crée des leaders dans les écoles pour les "patrons"?
Quand tu vas étudier dans la haute école de commerce ou en ingénierie, tu reçois une programmation et un brainwashing très différent que les autres facultés qui ne sont pas destinées à devenir des vrais patrons tout puissants dans le monde entier.
On te dit littéralement dans tes cours que tu es déjà le nombril du monde. On te demande de bien t'habiller en tailleur "professionnel" et on t'invite chaque semaine dans des cocktails super fancy avec des grandes entreprises qui te vendent une vie de rêve.
On t'offre des assurances privilégiées et des opportunités pour les investissements très intéressants parce que tu fais désormais partie du club de "la crème de la crème". Tu peux parler avec les autres comme tu veux, il n'y a plus aucune limite pour toi. Tu es déjà sur le trône imaginaire de notre futur patron.
On t'apprend à comment manipuler l'opinion publique et comment créer des nouvelles formules économiques pour faire dire aux chiffres ce qu'on veut. On apprend à gérer les techniciens et les employés, mais d'une position où ils sont inférieurs ou plus stupides à nous. En gros, on apprend à comment bien gérer et influencer les croyances des ‘’esclaves modernes’’ dans ces écoles-là.
Pourquoi penses-tu que maintenant la plupart des politiciens ont probablement étudié dans les écoles de commerce très réputées?
Ce n'est pas tant la vraie économie ou les sciences de la gestion humaine qu'ils apprenaient là.
Mais, plus comment devenir un bon "patron" pour un peuple obéissant, irresponsable et complètement confus. Ils apprenaient la politique, pas les sciences politiques, mais la vraie stratégie politique opérationnelle de création et de gestion des sociétés basées sur le contrôle et la manipulation des masses.
Ils apprenaient à comment être supérieurs aux autres. Comment les regarder d'en haut.
Comment se convaincre qu'on est plus intelligent et plus puissant que tous les autres humains qui ne sont pas allés dans la même école. Comment cultiver la confiance en soi, l'arrogance et le degré de narcissisme nécessaire pour bien "fitter" dans l'élite sacrée des nombrils du monde.
Ils ont aussi appris dans ces écoles que la stratégie en place et les connections sociales sont plus importantes que l'argent.
Ils ont appris à en créer et à avoir un accès presque illimité à l'argent. Ce n'était pas ça qui était sur leur esprit comme barrière à leur gloire. Ils étaient là pour plutôt apprendre comment faire en sorte que ça reste ainsi. Qu'ils puissent garder leurs cochons d'argent sans fin. Ils ont appris comment maintenir le système de non-sens (et de corruption) en vie et en prospérité.
Ils ont appris à comment concentrer et prendre de force le pouvoir des autres. Mais, ils n'ont pas appris comment redonner du pouvoir à la communauté et le peuple, comment leur faire confiance, et comment distribuer le contrôle et l'autorité dans le système collectif de façon cohérente, efficace et résiliente.
Ils savent comment être des leaders tout-puissants.
Mais, ils ne semblent toujours pas comprendre que tout le monde est leader de quelque chose. Même leurs employés dans le plus bas de l'échelle hiérarchique sont plus sages et plus intelligents dans quelque chose de spécifique. Parfois le grand patron de l'entreprise est inférieur en pouvoir et en expertise à la femme de ménage sur certains aspects de notre réalité partagée.
Parfois c'est le patron qui va être le suiveur obéissant sous l'autorité de la femme de ménage.
Par exemple, c'est la femme de ménage qui utilise les produits de nettoyage chaque jour.
Elle connaît son métier et elle a une expérience et une sagesse sur la qualité, l'efficacité et la sécurité des substances chimiques qu'elle utilise pour nettoyer les planchers. Elle respire les microparticules des produits de nettoyage chaque jour et elle voit aussi si ces produits fonctionnent bien ou non.
C'est à elle de te dire quel produit de nettoyage acheter pour qu'elle puisse bien faire son travail. Même si tu es le président d'approvisionnement de la grande multinationale, tu ne peux simplement pas savoir et prendre la décision à sa place quel produit est le mieux pour nettoyer les planchers. Tu n'as pas l'expertise et la connaissance de l'expérience directe pour être en charge d'une telle décision stratégique.
En ce qui concerne le choix des produits ménagers, ça devrait être la femme de ménage qui a l'autorité, le leadership et la liberté de choix, même si c'est toi son patron sur papier.
Maintenant tu peux appliquer cet exemple à n'importe quoi.
Un professeur sait mieux comment éduquer un enfant qu'un fonctionnaire.
Une infirmière sait mieux comment faire certaines tâches que les docteurs.
Les ouvriers et les techniciens connaissent et maîtrisent mieux les machines et les équipements que les ingénieurs.
Les caissiers savent mieux si leurs clients sont heureux et satisfaits et pourquoi que la directrice de marketing.
Le fermier sait mieux comment prendre soin du sol et de la nature que les scientifiques en cravate propre.
La véritable sagesse, connaissance et le pouvoir sont déjà dans les mains du peuple.
Cette sagesse collective est déjà distribuée parmi nous tous. Chacun est unique dans ses dons et ses talents. Chacun a l'autorité intérieure et la responsabilité sur sa contribution personnelle et sur son engagement dans notre monde.
Tout le monde est leader.
Nous sommes tous des cocréateurs, et des coleaders qui collaborent en cohérence et en conscience afin de bâtir une société, une culture et une communauté partagée qu'on désire et qui a du gros bon sens pour nous tous.
...
Je reconnais qu'à travers cette contemplation, j'ai navigué entre de vastes généralisations et des nuances très questionnables.
J'ai peut-être naïvement idéalisé certains aspects de l'éducation soviétique et j’ai sévèrement critiqué l’éducation capitaliste – et c'était délibéré. Non pas pour affirmer qu’un système était plus parfait que l’autre, mais pour créer un miroir illusoire dans lequel nous puissions examiner nos propres suppositions et reflets.
Quand l'Occident glorifie ses systèmes éducatifs, ses innovations technologiques, ou sa vision du progrès, nous l'acceptons comme la vérité évidente. Nous sommes convaincus d'être le nombril du monde, le phare de la civilisation qui éclaire la voie pour les autres cultures et peuples.
Cette conviction de supériorité culturelle est si profondément ancrée qu'elle devient invisible – comme l'eau pour le poisson.
Mais que se passe-t-il dans votre esprit quand quelqu'un d'autre parle d’un système différent avec le même degré de certitude et d'admiration? Quelles émotions surgissent quand on vous suggère que d'autres cultures ont peut-être résolu des problèmes que nous continuons d'ignorer?
N'est-il pas fascinant de constater avec quelle rapidité nous nous hérissons, avec quelle ardeur nous défendons notre modèle sociétal et nos perceptions biaisés?
Nous sommes formidables pour diagnostiquer les failles des systèmes des autres, mais étrangement aveugles face aux nôtres.
Nous disséquons l'éducation soviétique ou chinoise comme des spécimens sous microscope, identifiant l'endoctrinement avec une précision chirurgicale, mais nous appelons notre propre endoctrinement "éducation civique" ou "préparation performante au marché du travail".
Pourquoi ce besoin viscéral de juger?
Pourquoi cette conviction inébranlable que notre façon d'élever nos enfants est la seule valable? Peut-être parce que reconnaître la valeur d'autres approches menacerait tout l'édifice de supériorité culturelle sur lequel nous avons bâti notre identité collective (et nos marchés financiers).
Et franchement, qu'est-ce qui nous donne le droit de juger comment d'autres sociétés organisent leur transmission de savoirs aux générations futures? Comment ose-t-on leur dire que notre manière de le faire est certainement meilleur et mieux?
Notre système produit des jeunes déprimés, anxieux, déconnectés de leur corps, incapables de cultiver leur propre nourriture ou de réparer quoi que ce soit, mais experts en surconsommation virtuelle, en technologie et en image de marque. Est-ce vraiment le sommet de l'évolution humaine?
Nous critiquons les autres pour éviter de nous regarder en face. Nous créons des solidarités factices – "nous" contre "eux" – pour protéger un système qui, objectivement, dessert la majorité d'entre nous. Nous défendons collectivement des absurdités qui nous détruisent individuellement.
L'intensité avec laquelle nous rejetons le miroir que nous tendent d'autres cultures est proportionnelle à notre insécurité profonde.
Plus nous sommes fragiles dans nos convictions, plus notre rejet de la vérité de l’autre ou de la différence est violent. Et pourtant, ce jugement même est parfaitement insignifiant, illogique, voire inutile – il ne change rien à la réalité ou les croyances des autres, il révèle simplement nos propres limites.
Notre éducation nous a-t-elle préparés à être des êtres souverains, puissants, créatifs et éveillés? Ou nous a-t-elle formatés pour être des rouages dociles dans une machine économique qui se soucie peu de notre épanouissement ou bien être collective? La réponse se trouve probablement dans notre réaction sincère et transparente même à cette question.
L'individualisme que nous chérissons n'est-il pas, ironiquement, la forme la plus achevée de conformisme collectif? Nous sommes tous individuellement en compétition pour les mêmes symboles standardisés de réussite, portant les mêmes marques, poursuivant les mêmes carrières, endettés auprès des mêmes institutions.
Quelle liberté avons-nous vraiment gagnée et quelle sécurité protégeons-nous?
Observez vos réactions et vos propres jugements qui émergent. Elles révèlent les deux, la victimisation et suprématie culturelle qui hante notre inconscient collectif.
L’exploration que vous venez de lire n'est pas une quête de vérité absolue ni une recherche super scientifique. C’est une contemplation créative et intuitive et non pas une stratégie politique. C’est une sagesse expérientielle différente et non pas un argumentaire sur des faits ou un débat d’opinions.
C'est une invitation à la conscience – un exercice pour reconnaître que nos certitudes sont souvent des constructions culturelles, pas des vérités universelles.
La souveraineté véritable commence peut-être ici : dans notre capacité à tenir nos convictions les plus profondes avec légèreté, celles des autres avec bienveillance et curiosité. Et à rester ouverts à l'idée que notre vision du monde n'est qu'une parmi tant d'autres, chacune est unique, chacune est autant valable, belle et significative.
Car au fond, l'éducation authentique n'est pas celle qui nous remplit de certitudes, mais celle qui nous ouvre à l'émerveillement perpétuel devant la complexité du monde et la diversité des façons d'être humain ensemble.
