HONORER LA MORT
- Kateryna Derkach
- 15 mai
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 3 juin
Si l'âme choisit son arrivée ici
Si c'est elle qui crée sa forme
Si elle décide des conditions
De sa naissance et de sa vie
Tu me vois déjà sans doute naviguer
Avec la suite de ce questionnement
Si l'âme est le vrai maître de ses choix
C'est qui donc qui décide de mourir ?
Et si l'âme décide de partir
Si l'âme veut autre chose
Elle est prête à aller ailleurs
Qui es-tu pour l'empêcher ?
Pourquoi forcerais-tu quelqu'un
À rester en vie quand il ne le souhaite plus
Pourquoi prolongerais-tu la souffrance
En essayant de sauver celui qui se sauve ?
* * *
Je ne parle pas ici des morts forcées
Je ne parle pas des provoquées non plus
Je parle des morts très naturelles, belles
Les passages sacrés de chacun, un jour.
Mais attention, je ne parle pas ici
Des morts que la douleur a réclamées,
Celles d'âmes abandonnées, sans abri,
Dont les cris n'ont jamais été aimés.
Je ne parle pas des fuites en silence,
Quand l'absence d'amour devient poison,
Quand le monde, trop dur, perd son sens,
Et que partir devient seule maison.
Ce ne sont pas des adieux arrachés,
Ni des âmes trop tôt effacées.
Ce sont nos failles, nos peurs, nos erreurs
Qui parfois tuent bien avant l'heure.
Et cela, ce n'est ni sacré, ni désiré —
C'est un appel, un cri désespéré,
Qui dit : « Aime-moi, retiens-moi, vois-moi.
Dis-moi que ça vaut la peine d'être là. »
Et si personne n'entend cette voix,
C'est toute la communauté,
Qui porte en silence cette croix,
Le poids d'une âme qu'elle n'a pas su aimer.
* * *
Aussi, ne tue jamais en croyant bien faire —
Ce n'est pas l'amour, c'est la guerre ouverte.
Tu piétines la danse de l'âme et de son feu,
Tu éteins sa lumière, tu violes son innocence.
Et crois-moi, la Mort n'apprécie pas
Qu'on joue le roi avec elle comme ça.
Elle pourrait bien revenir te revoir,
Furieuse, pour te remettre à ta place.
Tu crois savoir mieux qu'elle-même,
Ce qui est juste et devrait l'achever.
Mais l'âme a ses mystères, ses saisons —
Elle part quand elle désire, pas à ta raison.
Et si tu voles ce dernier soupir,
Tu t'enchaînes à en être esclave.
Car toute vie prise sans appel
Laisse sur la tienne un goût amer.
Être témoin, c'est déjà un don parfait.
Rester là, sans forcer l'émergence juste.
Car aimer, c'est aussi souhaiter sagement —
Que la mort elle-même vienne t'aimer.
* * *
Je parle des âmes qui ont déjà fini leur jeu
Elles ont vécu déjà plusieurs vies en une
Elles ont expérimenté la réalité déjà trop
Elles veulent sincèrement un changement.
Il y a des vieux qui sont tannés de vivre
Non pas parce que la vie n'est pas si belle
Bien au contraire. Ils l'aiment tellement fort,
Qu'ils souhaitent en expérimenter une autre.
Ils veulent jouer un nouveau jeu, ailleurs
Mais ils sont emprisonnés dans leurs corps, ici
Les corps qui sont fatigués, cherchant repos
Les cellules qui veulent se recycler, renaître.
Mais, nous, on leur dit que ce n'est pas cool
On les garde en vie peu importe pourquoi
On les culpabilise de vouloir fermer le cycle
On les accroche à notre peur de les perdre.
Le vrai deuil commence avant la mort
Dans le détachement sain de nos âmes
Dans la guérison de nos interconnexions
Dans la paix, le pardon et la transcendance.
* * *
Beaucoup de vieux n'arrivent pas à partir
Ils prient Dieu et se fâchent contre les cieux
Ils aiment trop la vie pour la prendre eux-mêmes
Mais, en secret, ils rêvent de mourir en beauté.
Ils ne peuvent pas le dire à leurs enfants
Parce qu'ils sont trop fragiles et vulnérables
Ils ne peuvent pas le dire à leurs médecins
Parce qu'ils sont payés pour les garder en vie.
Ils ne savent pas à qui en parler franchement
Leur dire que ce n'est pas un abandon de vie
C'est plus profond et même viscéral pour eux.
C'est le respect inconditionnel de la mort aussi.
* * *
La seule certitude de notre mystérieux monde
Est que la mort est omniprésente et vraie
Tous vont y passer un jour en temps juste
D'une manière ou d'une autre, ça se passe.
Tout dans la Nature se métamorphose
Chaque atome, cellule, molécule et corps
Se transforme et transmute sa forme
Pour danser dans de nouveaux costumes.
C'est pareil pour les bactéries et les virus
C'est pareil pour les plantes et les animaux
C'est la même affaire pour le mycélium aussi
Pourquoi ça serait différent pour les humains ?
* * *
Ton corps physique ne t'appartient pas
Il appartient à la poussière des étoiles
Il appartient à la Nature qui te nourrit
Il appartient à un écosystème de la Vie.
Tes muscles, tes os, tes tissus et tes tripes
Sont tous des déchets des autres systèmes
Ils sont faits des plantes et des animaux morts
Que tu manges pour bâtir ta masse physique.
Peut-être qu'il y a eu une tomate très osée
Elle ne voulait plus être tomate, elle est tannée
Elle aimerait se transformer en loup sauvage
Donc son rêve ultime est d'être mangée par lui.
Parce que quand ses petits atomes de tomate
Rentrent en connexion intime avec le beau loup
Leur conscience innée fait maintenant partie
De la réalité plus large d'un animal qui court.
Pour la tomate c'est comme une nouvelle vie
Plus intéressante, différente et très unique
Ça se peut que la tomate est vraiment bien
De renaître dans l'estomac d'un puissant loup.
* * *
Peut-être que cette logique s'applique ailleurs
Peut-être que les lapins aiment bien aussi
Se transformer en ceux qui les mangent
Pour devenir un aigle qui vole haut un jour.
Peut-être que chaque microbe rêve du paradis
Tous veulent se trouver en haut de la chaîne
D'être mangé plein de fois et de "remourir"
Juste pour goûter la liberté des baleines fortes.
Peut-être que pour eux c'est une célébration
Que de changer de forme et de conscience
Peut-être que la Mort et la Vie sont très amies
Peut-être qu'elles cocréent l'Amour ensemble.
* * *
Peut-être que l'homme est le seul être
Dans tout le réseau du vivant, de la nature
Qui a oublié comment honorer la mort
Qui a si peur de se transformer et renaître.
L'homme est devenu si arrogant et triste
Qu'il a décidé de déclarer la guerre à la Mort
Il a commencé à exercer son contrôle naïf
Sur les règles de la Nature et de l'Évolution.
On construit des hôpitaux très sophistiqués
Pour garder en survie misérable et confuse
Des vieux loups qui veulent ouvrir leurs ailes
En les emprisonnant dans leurs souffrances.
Ce n'est pas les vieux qui veulent l'éternité
Ce sont souvent ceux qui les aiment le plus
Ce sont leurs enfants, partenaires ou chers amis
Qui refusent de les laisser partir en paix enfin.
Par leurs prières et attachements émotionnels
Par leurs soins professionnels et bonnes drogues
Par leurs peurs, peines et hontes bien enfouies
Ils forcent la vie à ceux qui sont prêts à la mort.
* * *
On n'a pas de soins de fin de vie qui honorent
La magie réelle de cette divine transformation
On ne sait pas comment célébrer la vieillesse
On ne sait pas comment dire l'au revoir de fin.
Et pourtant on peut vivre le départ ensemble
On peut utiliser le temps qui nous reste encore
À se parler de pourquoi on s'aimait autant
À se donner des câlins et à écouter le joli cœur.
On peut aider celui qui veut partir d'ici
À s'envoler avec amour, beaucoup plus libre
On peut les pardonner et laisser partir lentement
Au lieu d'essayer à les sauver malgré leur volonté.
* * *
Tu respectes la Vie comme très précieuse
Tu l'aimes, tu en prends soin et tu la protèges.
Et bien, la Mort mérite le même honneur
Tu dois apprendre à l'accueillir et l'accepter.
Si tu veux vraiment aider tes ancêtres
À voler libres dans leurs rêves futurs
Tu devrais apprendre à faire les vrais deuils
En leur pardonnant sincèrement pour tout.
En les laissant partir dans l'amour pur
En leur disant merci du fond du cœur
En célébrant à leurs côtés leur belle vie
En chérissant tous les cadeaux offerts.
En souriant directement dans leurs yeux
En leur offrant une simple compréhension
Un moment qui vous permettrait de nommer
L'amour de vos âmes emprisonné en silence.
* * *
Notre arrivée au monde est très spéciale
Notre départ d'ici n'est pas très différent
C'est aussi très sacré, super transformant
On doit apprendre à les traverser ensemble.
La souveraineté de l'âme est le plus beau cadeau
Que la vie nous offre à travers les âges oubliés
N'enchaînons pas cette liberté si primordiale
Par nos peurs, nos regrets, nos attachements.
L'art de dire adieu est peut-être plus précieux
Que celui de s'accrocher à ce qui s'envole déjà
Comme les feuilles d'automne qui dansent au vent
Avant de reposer sur terre pour nourrir demain.
* * *
Nos ancêtres murmurent dans le silence des étoiles
Ils nous regardent avec leurs yeux d'éternité
Demandant non pas nos larmes mais notre joie
Non pas notre chagrin mais notre gratitude.
La plus grande preuve d'amour n'est pas toujours
Dans la lutte désespérée contre l'inévitable
Mais dans l'acceptation lumineuse du cycle parfait
Dans le lâcher-prise qui libère et qui honore.
Mourir n'est pas disparaître, c'est se fondre
Dans la symphonie cosmique qui nous a créés
C'est retourner à la source collective de tout
Pour y puiser de nouvelles formes d'existence.
* * *
Alors célébrons ces passages, ces transformations
Comme on célèbre l'eau qui devient nuage et pluie
Comme on honore la chenille devenue papillon
Comme on vénère le jour qui se couche en beauté.
Car dans le grand mystère de l'être et du non-être
Dans cette danse éternelle entre ombre et lumière
La vie et la mort cocréent l'impossible ensemble
D'une même histoire d'amour qui n'a ni début ni fin.
* * *
Écoute dans le silence de ton âme qui sait déjà,
Dans les murmures de ta maturité qui s'éveille,
Incline-toi devant ce qui fut, ce qui est,
Et ouvre grand ton cœur à ce qui sera.
Si l'âme choisit son arrivée et le parcours,
Peut-être choisit-elle aussi son départ.
Dans cette simple vérité réside en silence
La paix infinie de toute notre existence.
* * *
Comme une feuille qui sait quand se détacher,
Comme l'oiseau qui suit l'appel des saisons,
Comme la marée qui se retire en douceur,
Laisse tout être suivre sa sagesse intérieure.
Et quand viendra ton propre hiver si doux,
Puisses-tu aussi danser avec la vraie extase,
Sans regret, sans peur, sans attachement,
Dans la pure grâce d'avoir été autant vivant.
