Communauté
- Kateryna Derkach
- 19 févr.
- 10 min de lecture
Beaucoup de personnes qui forment ou gèrent des communautés s'épuisent. Pourquoi?
La raison principale, malgré la complexité subtile, est assez simple : une communauté est quelque chose qui s'auto-gère, que tu le veuilles ou non. Plus tu essaies d'être un "leader" qui gère les autres, moins ta communauté va marcher.
Moins ta communauté marche, plus les risques de ton épuisement ou d'une faillite sont grands.
Par définition, une communauté inclut plusieurs personnes souveraines et indépendantes. Chacune de ces personnes a ses propres rêves et ses propres insécurités.
Même si tu es le meilleur leader du monde, tu ne peux pas savoir ce qui est bien ou non pour l'autre sans le demander à l'avance et prendre le temps de véritablement écouter sa réponse. Tu ne peux pas prendre une décision pour l'autre en cachette sans risquer de faire une gaffe, ou de le faire grandement souffrir sans même t'en rendre compte.
C'est encore plus sensible quand on commence à parler d'un groupe ou d'une communauté.
Quand tu es un "leader" de plusieurs centaines ou milliers de personnes, tu ne gères plus rien. Tu ne peux pas être un "patron" avec le pouvoir d'autorité sur ta communauté, ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. Tu peux être un gardien et tu peux être un sage. Mais tu ne peux pas décider, dicter et imposer ta vision personnelle sur un groupe ou sur une communauté.
Au mieux, tu animes et tu facilites. C'est tout. Comme tous les autres d'ailleurs. Tu peux être un meilleur orateur ou avoir plus d'expérience, de ressources intérieures ou financières que les autres, mais rien de cela ne te donne le droit de contrôle sur ta communauté. Même si on te fait confiance et qu'on écoute ce que tu racontes, ça ne te donne toujours pas la liberté de dictature, de censure ou de manipulation sur ton propre peuple.
Une communauté véritablement saine et efficace s'auto-gère toute seule et tout le monde est déjà un leader de quelque chose dans ce système partagé. Peut-être pas encore aux mêmes niveaux et responsabilités, mais des leaders souverains et responsables tout de même.
Une personne qui veut être perçue et maintenir cette position comme un "leader" d'une communauté entière a un sérieux problème d'ego, de peur ou un manque d'amour personnel.
Dans la plupart des cas, ils ont réellement de belles intentions dans leur perception et ils font vraiment de leur mieux pour authentiquement aider et supporter les autres. Mais, bien souvent, ils sont très aveugles à leur propre trip d'ego et leurs blessures personnelles de vouloir tout contrôler et tout gérer à la perfection autour d'eux, même la vie intime des autres personnes qu'ils ne connaissent même pas.
Beaucoup trop souvent, quelqu'un qui se prend pour un leader ou un patron dans le système assume indirectement le rôle du "père" pour la communauté au complet.
Imagine maintenant une famille avec des milliers d'enfants qui ne veulent pas tant grandir ou évoluer. Ils veulent que leur papa les protège et leur dise quoi faire. À un certain moment, il se peut que le père devienne très fatigué et tanné d'être un leader d'une famille comme ça.
Et ça peut être aussi le contraire.
Il y a des familles où les enfants sont déjà grands, matures et autonomes, mais le père ne sait pas encore quelle est sa valeur authentique dans le monde à part d'être un père, donc même si ses enfants sont adultes, il va quand même chercher à les contrôler, à les guider et à les gérer.
Soit les enfants ne savent pas comment grandir, soit le père ne sait pas comment lâcher prise sur son rôle.
Quand les rôles et responsabilités sont encore cohérents, que les enfants sont des enfants qui ont vraiment besoin des leaders, et que les leaders les supportent et les aident, ça va.
Mais quand l'enfant est encore petit et qu'il n'y a personne pour jouer le rôle de mère ou de père pour l'aider, ça risque d'être difficile et compliqué pour cet enfant de grandir.
Aussi, quand les enfants sont déjà grands, mais que le père ou la mère continue quand même de jouer le rôle d'autorité sur eux, ça aussi ça risque de devenir très complexe et confus.
Aucun rôle n'est bon ou mauvais. Tout est dans la cohérence relationnelle et systémique entre ces rôles. Si tu es encore immature, tu as besoin d'un leader. Si tu es toi-même encore un enfant, tu ne peux pas vraiment être un leader performant, sécuritaire et responsable pour les autres.
Si tu acceptes le rôle de prendre soin d'un autre être dans le besoin, que ce soit comme son leader, son patron, sa mère ou son père, la responsabilité totale sur cette personne pendant qu'elle est sous ta charge te revient.
Si tu veux continuer à être "égal" aux autres adultes et ne pas porter le poids de la responsabilité sur eux, tu ne devrais pas prendre de décisions qui les concernent. Aussi, tu ne devrais probablement pas prendre des engagements de gestionnaire, de leader, de patron ou de n'importe quelle autre forme d'autorité sur les autres non plus, si tu ne veux pas en être responsable pour de vrai.
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Je vais vous raconter une petite histoire.
Il y a quelques années, j'ai eu la chance de visiter et d'expérimenter une communauté assez magique sur plusieurs niveaux différents. C'est un écovillage né après la Seconde Guerre mondiale au nord de l'Écosse. Il a été fondé par 3 personnes qui faisaient partie de la même communauté spirituelle. Ils n'avaient absolument pas de ressources et les conditions de survie étaient extrêmement précaires.
Tout ce qu'ils avaient, c'était leur pouvoir intérieur et leur sagesse personnelle pour créer une vie décente ensemble. Chaque personne dans ce groupe de 3 adultes avait son propre truc, un principe, une valeur innée ou un super pouvoir.
Il y avait une des femmes qui parlait à Dieu. Elle méditait dans les toilettes publiques à 3h du matin pour canaliser des messages et des guidances sur des potentielles stratégies à entreprendre pour fonder un lieu de vie et une communauté résiliente où ils se trouvaient.
Donc, comme l'héritage de cette femme en particulier et un des principes de base dans cette communauté est : L'ÉCOUTE INTÉRIEURE.
En passant, l'endroit où ils se trouvaient était presque impossible. C'était littéralement une décharge de poubelles sur une terre sableuse et avec des vents violents. C'était presque impensable de faire un jardin dans ces conditions. Mais, après la guerre, il y avait des personnes pauvres qui vivaient là, dans des caravanes en plein milieu de nulle part.
Il y avait une autre femme qui parlait à la Nature. Elle demandait directement aux plantes et aux animaux quoi faire pour bien prendre soin d'eux. Elle savait qu'elle n'avait pas la sagesse nécessaire à elle toute seule pour survivre, mais que la Nature pouvait la guider sur comment créer une abondance peu importe l'environnement ou les conditions.
Donc, le principe de base qu'elle a semé dans cette communauté est : LA COCRÉATION AVEC LA NATURE.
Avant que vous pensiez que je commence à complètement dérailler, laissez-moi vous parler des impacts. En écoutant les messages de la Nature et en faisant ce qu'elle dit, ce petit groupe de personnes a réussi à créer des jardins d'une abondance inexplicable.
En quelques années, ils ont régénéré le sol et ils produisaient les plus gros choux du pays. C'est devenu un hub pour les scientifiques qui essayaient de comprendre comment ils avaient fait ça. Aucune explication logique ou rationnelle. Mais les faits sont des faits. Les jardins marchaient comme par miracle et les récoltes ne faisaient juste pas de sens, du moins pour les scientifiques en cravates ça n'en faisait pas.
C'est d'ailleurs ce qui a énormément contribué à élargir et faire grandir la communauté au début. Le fait qu'ils savaient comment produire de la nourriture en abondance et pour vraiment pas cher peu importe les conditions, des personnes d'un peu partout commençaient à déménager là et bâtir une communauté ensemble autours de ces jardins un peu magiques.
Il y avait aussi un homme dans le noyau des fondateurs de cet écovillage. Il ne parlait avec personne de divin, mais il avait une sagesse très incarnée dans la forme physique. Il mettait en application les guidances des femmes et il s'assurait que chaque action était faite à partir d'un espace juste et en cohérence avec le reste. Son principe ou le pilier unique dans les fondements de la communauté est : L'AMOUR EN ACTION.
Quand j'étais en visite là-bas, à un certain moment on m'a demandé d'expérimenter ce principe en particulier dans la vraie vie et d'apprendre ce que ça veut dire.
En gros, il fallait que j'apprenne comment nettoyer les toilettes dans des maisons d'inconnus avec de l'amour et dans la joie d'être. Je ne saurais pas vous l'expliquer en mots. C'est un truc qu'il faut vivre pour comprendre. Mais je vous jure j'ai eu des expériences mystiques next-level simplement en nettoyant des toilettes dans cet écovillage. Je n'ai plus vu ni le travail ni l'action de la même manière depuis ce voyage.
L'intention de faire chaque geste avec l'amour véritable pour l'ensemble de la réalité fait un sens indéniable pour moi aujourd'hui. En réalité, faire autrement ne fait pas tant de sens pour moi depuis que j'ai ressenti ce qui est possible de faire avec l'amour.
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En quelques années, c'était toute une communauté qui faisait de gros projets, des amphithéâtres de 200 personnes, des jardins communautaires et plein d'autres choses ensemble. La femme qui parlait à Dieu était un peu comme la sage du village pendant un certain temps. Elle donnait des guidances au niveau de la communauté et les autres faisaient confiance à sa voix intérieure pour mettre en application et en œuvre ce qu'elle disait.
C'était rassurant d'avoir une vision, une stratégie d'exécution et ça marchait pour de vrai au niveau de la communauté au complet.
Et un beau jour, sa guidance a changé sans un réel préavis. "À partir d'aujourd'hui tu ne fais plus de guidance ni pour les autres personnes ni pour la communauté" était le message que Dieu lui a dit pendant sa méditation.
C'était très déstabilisant et insécurisant pour la communauté d'entendre ça. C'est comme avoir un leader sécuritaire à qui tu fais confiance, c'est facile et simple. Et un jour, il te dit : "je m'en vais. Je ne dis plus rien."
Quand ils ont demandé à Dieu pourquoi il avait fait ça, pourquoi priver toute une communauté de sa guidance juste ?
Il a répondu : "l'idée principale de l'écoute intérieure est que chaque personne puisse en avoir son propre accès. La communauté est assez forte pour que chacun commence à écouter sa propre voix. Et la communauté qui émerge doit être un système cohérent avec les voix intérieurs et les ressentis uniques de tous. C'est une cocréation entre les personnes et non pas une seule femme qui dit à tous quoi faire."
Ceci a radicalement transformé comment la communauté opérait et comment les décisions ont été prises désormais. Ce n'était pas un chemin facile, mais oh que pertinent, transformant et nourrissant.
En gros, c'était un shift radical entre le leadership centralisé et le leadership complètement décentralisé au niveau de la communauté entière. Tout le monde était un leader de quelque chose et ils essayaient de faire fonctionner le système dans son ensemble de façon collective, efficace et cohérente.
Aujourd'hui, cet écovillage est un laboratoire vivant, une inspiration mondiale de comment vivre autrement. Comment cocréer avec la Nature et avec l'Humanité en harmonie, dans la paix et l'amour. Comment consolider la simplicité de la sagesse ancestrale et collective avec l'interconnexion et les technologies offertes par les générations futures.
C'est aussi un hub d'innovation sociale et systémique. Ils ont des entreprises de construction qui développent des techniques et des matériaux plus écologiques et durables. Ils ont des coopératives, des projets et des recherches scientifiques en continu sur l'alimentation, les affaires, la gouvernance, la santé et le bien-être collectif.
Bref, beaucoup de choses très intéressantes peuvent émerger quand les gens se font confiance véritablement et savent s'organiser pour collaborer et cocréer afin de mettre au monde une vision partagée.
C'est l'exemple d'une communauté sans leadership centralisé et sans personne qui se prend pour le sage du village. Et ça marche !
Oui, il y a toujours des hauts et des bas. Oui ce n'est pas toujours facile ou évident. Oui, ça leur a pris presque un siècle pour être là où ils en sont aujourd'hui. Mais ça prouve déjà que c'est possible et très faisable. La connaissance et la sagesse sont déjà là. Ce lieu est juste un exemple d'une économie locale basée sur l'abondance et la cohérence systémique.
Il y a des milliers d'espaces très uniques et très performants comme ça un peu partout dans le monde. Les recettes et les stratégies de comment faire la transition sociale et le changement systémique sont déjà disponibles, diverses et très bien testées.
En passant, pour ceux et celles qui voudraient faire un peu plus de recherches, l'écovillage dont je faisais référence dans ma contemplation s'appelle Findhorn. Leur histoire est tout simplement fascinante et il y a beaucoup de personnes qui en parlent sur internet beaucoup mieux que moi. Je t'invite vraiment à t'ouvrir un peu l'esprit et à faire tes propres recherches.
J'ai seulement nommé quelques fragments de ce que cette communauté m'a offert en termes de sagesse et d'inspiration en lien avec notre sujet aujourd'hui. Ce sont mes propres souvenirs vivants d'un bref séjour et non pas le récit exact de leur histoire communautaire. L'histoire dans son ensemble est beaucoup plus riche, époustouflante et magique que vous ne puissiez-vous l'imaginer…
…
Donc, si on actualise un peu tout ce qui vient d'être discuté, à quoi ça nous amène maintenant ? Qu'est-ce qu'on peut en retirer pour s'inspirer des expériences des autres ici, plus localement chez nous ?
Est-ce que nous aussi, on pourrait apprendre à écouter véritablement notre voix intérieure et faire confiance inconditionnelle à celle des autres ?
Est-ce qu'on peut oser cocréer avec notre Nature au sens très large et très intime tous ensemble dans le respect et dans la dignité chez nous?
Est-ce qu'on sait comment exprimer l'amour en action avec les autres et avec notre environnement, peu importe ce qu'on est appelé à faire comme travail pour garantir le bien-être collectif ? Est-ce qu'on peut apprendre à travailler et être au service avec l'amour véritable envers soi et l’autre?
La stratégie de la transformation collective peut être très simple et même super rapide.
La seule chose qu'on a à apprendre, c'est de devenir tous des leaders souverains, responsables et cohérents qui savent comment collaborer et cocréer une réalité partagée qui fait du sens dans son ensemble.
Un vrai leader n'a qu'un seul job : faire en sorte que le leadership naturel et grandiose de chaque personne soit déployé pleinement dans le monde, ainsi que vu, ressenti, reconnu et aimé pour son essence unique par nous tous !
